« Les fusils de la mère Carrar » mise en scène Antonio Diaz-Florian au Théâtre de l’Epée de Bois

Article de Sébastien Scherr

Aux armes !

Cinq comédiens sur un petit plateau en bois sur tréteaux, fiché d’un mat et d’une voile semi-transparente en guise de rideau ; les personnages semblent embarqués sur un frêle radeau dans une aventure qui les dépasse : l’Histoire. 1937. La mère Carrar a perdu son mari dans la guerre civile espagnole, elle ne veut pas y perdre ses fils. Elle a enterré les fusils de la famille et se bat comme une diablesse pour un pacifisme à toute épreuve. L’épreuve de l’horreur de la guerre, contre l’armée fasciste du « Général » assistée d’une canonnière mussolinienne et d’un escadron hitlérien. Coûte que coûte, elle refuse à son adolescent de fils José le droit de suivre les traces héroïques de son défunt père.

visuel_fusils_mere_carrar© DR

La pièce, écrite et créée à Paris pendant le conflit, tandis que Brecht y avait fui l’Allemagne nazie, est une pièce évidemment engagée. Le metteur en scène a choisi, écrit-il, de supposer que la brigade de combattants franco-belge « La Commune » eût monté la pièce sur le front. D’où des personnages tous habillés en soldats, sauf le prêtre. Cette option est toutefois peu lisible au spectateur non averti. La scénographie est efficace, les costumes et la lumière sont esthétiques. Mais la direction d’acteurs de Diaz-Florian, avec sans doute l’intention louable d’inviter sa troupe à un engagement total du corps, enferme le jeu dans un carcan étroit où chaque phrase est scandée, chaque mot sur-articulé, chaque syllabe détachée. Si bien que le texte est dépecé. La voix rauque de la mère Carrar, rapidement imitée par les autres personnages, est difficilement supportable plus de dix minutes. A force de tout jouer en hyper-intensité, le rythme est inexistant, écrasé dans un unique et vaste cri.
Seul le prêtre au rôle ambivalent, puisqu’il est à la fois le témoin compatissant de la misère sociale de ses paroissiens et l’allié objectif du franquisme, parait finalement capable de nuances. Ce qui le rend presque plus sympathique que la famille de pêcheurs opprimée. Il est improbable que ce fût là le dessein de Brecht.

Les fusils de la mère Carrar
De Bertolt Brecht
Mise en scène Antonio Diaz-Florian
Avec Antonio Diaz-Florian, Emmanuel Georges, Valérie Haltebourg, Graziella Lacagnina, Tiphaine Sivade
Costumes Abel Alba
Conseiller scénographe Jean-Marie Eichert
Régisseur général Miguel Meireles

Du 3 au 20 décembre 2015

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris
www.epeedebois.com