[Les Hivernales Avignon] « GLISSEMENT » de Johan Bichot, l’art « d’être » dans sa verticalité, à la croisée de la danse et du cirque, une création éthérée

Glissement de Johan Bichot, Compagnie Octobre 82 © DR

La 46ème édition du festival de danse Les Hivernales à Avignon a débuté le 14 février 2024 avec Les HiverÔmomes. Le spectacle Glissement de Johan Bichot vient clore avec deux représentations scolaires la programmation pour le jeune public qui cette année a la volonté d’offrir une danse sensible et réflexive, ouvrant les imaginaires. Promesse tenue puisque cette création de danse circassienne ravira aussi bien les petits que les spectateurs adultes lors de la représentation du soir ce 22 février et sera une parfaite transition pour le festival Les Hivernales qui se poursuit jusqu’au 2 mars 2024.

Nous avions vu le danseur Johan Bichot, interprète dans Facéties, une création jouissive des frères Ben Aïm (Cf. Critique Théâtreactu FACÉTIES au Festival OFF Avignon 2021), nous le retrouvons avec sa création Glissement, son premier projet personnel en tant que chorégraphe et interprète autour des arts qu’il affectionne le cirque puisqu’il s’est formé à l’École Nationale des Arts du Cirque de Rosny-sous-Bois et la danse bien sûr qu’il intègre au cours de ses différents projets et collaborations artistiques (Josef Nadj, Christian et François Ben Aïm, Netty Radvanyl,…). En 2021, Johan Bichot,crée à Montpellier sa compagnie Octobre 82 (référence à sa naissance) et tente dans son rapport à la danse de tisser un lien intime entre le corps et la matière où le mouvement chorégraphique s’impose comme un geste nécessaire. Et l’artiste nous le montre bien dans ce solo remarquable où il s’est inspiré du texte Sans de Samuel Beckett, publié dans Têtes-Mortes en 1967.

Sur le plateau noir à la lumière intimiste, un homme en costume noir tournoie sur la scène comme s’échauffant pour un numéro de cirque. Au centre, une structure en métal noir imposante qui se révélera être un étonnant agrès modulable, partenaire de jeu que le circassien explore à l’envi dans sa quête d’équilibre et il va peu à peu prendre de la hauteur sur un mât subtilement dévoilé. La proposition déroutante happe les spectateurs par la narration forte, la présence, l’agilité et l’opiniâtreté de cet être lunaire qui veut à tout prix rester debout, jouant avec son ombre dessinée par les lumières, explorant l’espace dans ses moindres recoins et s’appuyant sur les éléments, les mondes qui l’entourent pour aller toujours plus haut repoussant ses limites. De la légèreté, de la singularité à l’essence de l’être, cette performance touche immanquablement le public hilare devant l’absurdité des situations et les chutes innombrables mais aussi par les prouesses de ce danseur-circassien-comédien dont l’héritage de ses maîtres tels Josef Nadj, les frères Naïm ou Maguy Marin viennent enrichir la partition par des touches subtiles.

Le lien à la structure métallique, à l’espace se tisse en profondeur avec des mouvements qui prennent de l’ampleur, libérés avec un lâcher prise où l’homme se suspend ou se hisse au plus haut avec de délicieuses glissades dont le spectateur se délecte même si la prise de risque est bien présente. Le circassien-danseur se mue en chef d’orchestre, établissant un contact presque charnel avec l’agrès qu’il manipule. Les bribes de textes en voix off de Samuel Beckett et du philosophe Vladimir Jankélévitch poussent la réflexion. La scénographie et les lumières dessinent des espaces et Johan Bichot fait suspendre le temps par des arrêts ou des images fortes telles la traversée lente de l’être dans un faisceau de lumière avec à la main ce qui pourrait être un bâton de vieillesse, foulant le sol recouvert de craie blanche, une douce rêverie. Un beau travail qui émeut.

À l’issue de la représentation, Johan Bichot est convié à un bord plateau pour échanger avec les spectateurs. Il répond avec générosité et à propos des références à ses maîtres chorégraphes tels Josef Nadj ou May B de Maguy Marin que certains croient reconnaître dans cette présentation, il assume simplement cet hommage.
L’artiste précise que la création Glissement sera donnée à Lyon le 1er novembre 2024 dans un format plus long de 1h et d’autres éléments y seront apportés.

Du 14 février au 2 mars 2024, 20 compagnies donnent 34 représentations grâce à l’élan collectif des équipes administratives et techniques des Hivernales et aussi aux bénévoles fidèles pour la plupart qui accueillent chaleureusement le public.

Informations pratiques

GLISSEMENT Création 2023 – Compagnie Octobre 82
LES HIVERNALES Festival de danse Avignon du 14 février au 2 mars 2024

Conception
Johan Bichot

Interprétation
Johan Bichot

Regards sur le jeu d’acteur Denis Lavant et Jean-Yves Penafiel
Regards chorégraphiques Marlène Rostaing, Jamil Attar
Regard sur la scénographie Domitille Martin
Collaboration dramaturgique Véronique Sternberg
Création lumière Laurent Patissier

Durée
35 mn

Dates
Le 22 février 2024 aux Hivernales – CDCN à Avignon, dans le cadre des Hivernales

Adresse
Les Hivernales – CDCN
18, rue Guillaume Puy
84000 Avignon

Informations complémentaires
Festival Les Hivernales Avignon
www.hivernales-avignon.com