Article de Paula Gomes
Voyage envoûtant et poétique vers l’au-delà
Un jeune homme tout de noir vêtu entre en scène avec une épée, un crâne et un manteau de velours rouge. Sous les mains du manipulateur, la marotte drapée devient un cadavre inquiétant, un guide à travers un royaume mystérieux peuplé d’êtres étonnants. Ce roi des aulnes saisit le personnage filiforme, aux airs de Petit Prince, s’ensuit un combat singulier où ils ne font plus qu’un. Qui dirige qui ? Est-ce l’Enfer ou le Paradis ? Une quête d’identité et de puissance où les situations basculent : tensions et complicité dans un espace intemporel, on ne sait plus qui est qui. Le corps physique scruté s’estompe peu à peu et laisse place à des visions oniriques, des cauchemars ou des hallucinations (personnage protéiforme, spectres, pantin en latex animé). Sous l’épée de la mort, les plastiques effleurés deviennent étincelles de vie, méduses serpentines, fantômes, formes gigantesques et évanescentes. Le public ahuri assiste à ce ballet envoûtant. Une descente vertigineuse dans la profondeur des Limbes, là où les âmes errent, avec au bout du chemin un faisceau radiant à l’horizon, porte d’entrée vers un autre monde. Un conte enchanteur en ombres et lumières où les images fantastiques et mystiques sont accentuées par les silences et le sublime Stabat Mater de Vivaldi. Un grand moment d’évasion, un spectacle de toute beauté, à couper le souffle.
© Domenico Conte
« Les Limbes », la dernière création d’Etienne Saglio aborde le thème de la mort avec douceur et lyrisme, à travers le voyage initiatique d’un homme en proie à ses démons. Un seul en scène où ce maître de l’illusion, magicien et jongleur montre encore une fois son talent et sa grande technicité en donnant vie à de simples objets et du plastique. Figure marquante de la « magie nouvelle », un courant en pleine expansion, ses trucages impressionnent et plongent le spectateur dans un monde irréel : halo, apparitions et disparitions, lévitation, illusions optiques, flous. La dramaturgie est accentuée par le théâtre noir, la musique et les magnifiques lumières d’Elsa Revol qui donnent de la profondeur à cet univers étrange, magique et plein de symbolismes. Un travail d’équipe remarquable et minutieux.
© Domenico Conte
Réflexion sur l’existence, la représentation de l’invisible et de l’au-delà questionne l’Homme de tout temps. Au Mexique, les Cénotes, grottes naturelles et profondes étaient sacrés pour Les Mayas, un moyen de communiquer avec le monde « d’après ». Les esprits des défunts jetés là côtoyaient leurs Dieux. Percés d’ouverture, les jeux de lumière sont fascinants voire troublants quand l’eau douce rejoint la mer. Un mystère créé subtilement sur le plateau par les éléments en suspension, les effets visuels et les éclairages qui agrandissent l’espace. L’esthétique, les noirs et blancs nous renvoient à la peinture, à l’univers poétique et symboliste d’Odilon Redon avec ses créatures hybrides et surnaturelles. Ou à l’atmosphère romantique des illustrations de Gustave Doré de la descente de Dante aux Enfers dans la Divine Comédie (œuvre qui inspira de nombreux artistes). Si certains chercheront à percer les secrets de cette magie, petits et grands se laisseront porter par la féérie et la splendeur de ce doux rêve.
Une première nationale au théâtre Astra pour la 10ème édition du festival « Teatro a Corte » à Turin. Un artiste complet, créateur de mondes fabuleux : effets de surprise et émotions garanties.
Les Limbes
Création et interprétation Etienne Saglio
Ecriture et regard extérieur Raphaël Navarro
Ecriture Valentine Losseau
Création Lumière Elsa Revol
Régie Plateau Laurent Beucher, Vasil Tasevski, Simon Maurice
Jeu d’acteur Albin Warette
Costumes Anna le Reun
Composition musicale Oliver Dorell
Administration / Production / Diffusion Ay-roop
Production Monstre(s)
Création 6/7 novembre 2014 Le Carré Magique à Lannion
Tournée – Saison 2014/15
Le Grand Logis à Bruz dans le cadre du festival Mettre en scène, Bonlieu à Annecy, La Passerelle à Gap, Théâtre de Cornouaille à Quimper, Le Quai à Angers, La Scène nationale 61 à Alençon, à L’Espace Jean Vilar à Ifs et au nouveau théâtre de Beaumont Hague dans le cadre du festival Spring / La Brèche à Cherbourg, Théâtre de Cusset, L’Estran à Guidel, L’Hectare à Vendôme, Théâtre de Laval, Les Passerelles à Pontault-Combault, Le Théâtre de Verre à Châteaubriant, Le 104 à Paris, Le Merlan à Marseille, Théâtres en Dracénie à Draguignan, Théâtre de Bourg-en-Bresse, La Méridienne à Lunéville, L’Espace Jéliote à Oloron-Ste-Marie, Festival Mirabilia à Fossano, La Faïencerie à Creil, Théâtre des 4 saisons à Gradignan, Théâtre Gérard Philippe à Frouard, Scène nationale 61 à Alençon, Espace Jean Arp à Clamart, Le Grand R à La Roche sur Yon, CC La Pléïade à La Riche, …
Le jeudi 14 juillet 2016 à 21h
Durée : 1 h
Théâtre Astra
Via Rosalino Pilo, 6
10121 Torino, Italie
Festival Teatro a Corte du 7 au 17 juillet 2016 à Turin et dans les demeures royales du Piémont