« LES POSSÉDÉS D’ILLFURTH » de Yann Verburgh, Être ou ne pas être possédé ?

Les Possédés d’Illfurth de Yann Verburgh en collaboration avec Lionel Lingelser aux Éditions Les Solitaires Intempestifs Jeunesse

En 1864, dans le petit village alsacien d’Illfurth, deux enfants, Théobald et Joseph (9 et 7 ans) furent atteints d’un mal étrange : conduite ingérable, phénomènes incontrôlables, lévitation, hurlements et / ou mutisme, explosions de violence… On n’eut pas d’autre diagnostique que la possession diabolique. Il fallut donc les exorciser – geste très violent – en 1869. Grâce à la vierge Marie, dit-on, ils sortirent de là guéris, redevenus normaux.

Hélios, jeune comédien originaire d’Illfurth, répète Scapin sous la houlette d’un metteur en scène exigeant, voire cruel, qu’on nomme d’ailleurs, le sorcier. Le théâtre, ce n’est pas que du texte, sinon, c’est de la « littérature en costume » ! (Citation attribuée à Jankélévitch) Si en 1869, l’exorciste était un ecclésiastique, en 2009, c’est un sorcier qui prend en charge la libération du jeune Hélios. Parallèle et dissonance. Le tissage poétique entre les deux époques, entre les deux situations engendre l’empathie et échappe au raisonnement au profit d’une compréhension intuitive.

Tout humain a ses fêlures secrètes. C’est souvent la raison pour laquelle un enfant devient un artiste. Ici, comédien pour se glisser dans une autre peau, moins inconfortable… Hélios dont le prénom lumineux dit assez les espoirs parentaux, cache soigneusement plusieurs douleurs enfantines : la suspicion de son père devant son goût pour les robes de sa mère, et surtout, les viols répétés par un camarade fils d’amis des parents. Hélios est possédé, lui aussi, comme ses lointains compatriotes, par deux diables et comme eux, il devra s’en libérer avec une aide extérieure.

La construction de la pièce est habile, car non linéaire. Le spectateur est amené progressivement à faire le parallèle en découvrant les indicibles secrets du jeune homme. Mais Hélios devra aller plus loin : dans la salle du théâtre de Mulhouse, où il joue Scapin, se trouvent (entre autres) son père et son tortionnaire. Il s’agit alors de pardon. Bastien, l’agresseur, ne livrera pas les raisons de sa conduite ; il aurait besoin, lui aussi, d’un exorciste.

De retour à Illfurth, Hélios retrouve l’enfant naïf qui affrontait les dragons et le bonheur simple de la liberté.

Ce texte est une commande d’écriture du Munstrum Théâtre. Créé le 31 janvier 2021 par Lionel Lingelser, il s’adresse à tous, mais surtout aux adolescents. Sans aucun doute, ces derniers seront-ils sensibles à la problématique évoquée : trouver son identité profonde, résister à ses démons et les vaincre, accepter de renoncer à la vengeance. Tous problèmes qui relèvent de l’humanité, cet état à la fois évident et complexe.

Informations pratiques

Auteur(s)
Yann Verburgh
en collaboration avec Lionel Lingelser

Prix
10 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com