Un article de Pierre-Alexandre Culo.
Demandons encore l’impossible
Pierre Maillet se pare une nouvelle fois des habits de l’Histoire et puise dans ce duo post-68 un portrait délicat de simplicité. Des jambes de Pierre Molinier aux figures underground de Pierre Morrissey, le metteur en scène prouve une nouvelle fois son talent pour faire vibrer avec humour et intensité les portraits de ces personnalités.
Un garçon de 20 ans sur les routes de Normandie attend le pouce tendu la voiture qui le mènerait vers Caen. « Assez vite, une petite voiture blanche s’arrêta. Le conducteur, un homme chauve, veste très élégante, inhabituelle, m’invita à monter. » Ainsi s’amorce la rencontre de Thierry Voeltzel et Michel Foucault. De cette rencontre simple et hasardeuse découlera une longue série d’enregistrements où les amants, amis, questionnent et discutent de la nouvelle jeunesse post-68. Rencontre entre deux générations où la présence discrète de Michel Foucault s’ouvre avec une merveilleuse beauté sur ce qu’il appelle la rencontre « de l’homme de 20 ans ».
Seul sur le plateau nu, le jeune homme est offert à la vue de tous. L’entretien se construit avec une tendresse solennelle où s’électrise avec finesse l’intérêt intellectuel et érotique de cette rencontre. Avec un esprit universitaire à la frivole solennité, les diapositives à la poésie rétro se succèdent autant que s’enfilent les thèmes abordés: sexualités, révolution, drogue, famille, normativité… Tout y passe ! Marin Olles dévoile ce jeune homme maoïste et militant au FAHR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) avec retenue et simplicité. Il se défeuille avec une humilité stupéfiante, dévoilant une énergie plurielle entre retenue, excitation et revendication. Suivant les manières discrètes de Michel Foucault, Pierre Maillet se tient dans l’ombre derrière le public pour donner toute la place, et la parole, à la jeunesse en devenir. Dans cet entretien privé, Pierre Maillet réussi à inclure sans cesse le spectateur sans le solliciter activement. Comme pris d’une responsabilité politique, citoyenne.
Plus le portrait se creuse, plus le portrait s’actualise. Letzlove-Portrait(s) Foucault parle davantage des luttes à poursuivre que d’un héritage acquis. La douceur, cette tendresse, de la mise en scène de Pierre Maillet provoque une véritable réflexion activiste et citoyenne. Dans un climat politique incertain, ce portrait entre Michel Foucault et Thierry Voeltzel rappelle qu’il faut encore demander l’impossible.
Letzlove-Portrait(s) Foucault
Texte de Michel Foucault et Thierry Voeltzel
Adaptation et mise en scène de Pierre Maillet
Avec Marin Olles et Pierre Maillet
à partir du livre de Thierry Voeltzel Vingt ans et après, éditions Verticales. Du 5 au 21 janvier 2017
Le Monfort
106 rue Brançion
75015 Paris