Article de Justine Uro
Libre au milieu des cadavres
Geesche Gottfried est une jeune femme continuellement brimée et humiliée par son mari. Après une énième persécution, elle lui apporte un verre de schnaps et il meurt subitement. Geesche est alors seule à la tête d’une importante entreprise. Pour l’aider dans la gestion de cette société, elle fait appel à un ami qui devient son amant. Sa mère désapprouve cette liaison non officielle, contraire aux bonnes mœurs et à la religion. Peu à peu, son amant devient moins tendre et même très autoritaire. Son père, honteux du comportement de sa fille, souhaite un mariage pour qu’un homme reprenne les affaires en mains. Mais Geesche Gottfried affirme son désir de vivre libre, en fréquentant les hommes qu’elle veut et en gardant le pouvoir sur son entreprise qu’elle estime pouvoir gérer seule. Pour sauvegarder cette liberté, les personnages qui s’opposent à ses désirs ou se permettant de juger sa moralité sont empoisonnés de sa main.
© Miliana Bidault
La force de cette proposition tient surtout dans la création d’une atmosphère très particulière. Atmosphère lugubre, heureusement compensée par un soupçon de comédie dans la répétition des meurtres commis par l’apparente très douce Geesche. Des caisses en bois créent quatre espaces sur scène, dans une belle scénographie. La lumière est très tamisée, l’aire de jeu étant principalement éclairée par des bougies. Une musique angoissante participe fortement à la création d’un cadre propice au meurtre. Elle est parfois interrompue par les pleurs non moins angoissants d’un bébé qui semblent ne pouvoir s’arrêter. En fond de scène, côté jardin apparaît le père de Geesche, côté cour sa mère, figures de l’ordre moral qui surveillent et jugent leur fille. Immobiles, sous une lumière froide qui souligne leur maquillage mortifère, ils contrastent avec la vivacité de Geesche.
© Miliana Bidault
Le personnage de Geesche se montre d’abord soumis, le corps au sol. Au fur et à mesure que les cadavres s’amoncellent autour d’elle, elle se redresse et s’épanouit. La direction d’acteurs est convaincante. Dans cette atmosphère tamisée et la répétition des événements, réussir à ne pas créer de longueurs et un défi plutôt bien tenu. Cependant, c’est le thème d’une femme passant par le meurtre pour s’émanciper que dépeint cette pièce tirée d’un fait divers du XIXe siècle ; on aurait pu en espérer un traitement d’une plus ample profondeur.
Liberté à Brême
Traduction Philippe Ivernel © L’Arche Éditeur
Mise en scène et direction Stéphane Douret
Assistanat à la direction Quentin Van Eeckhout
Avec Éléonore Alpi, Léonard Boissier, Lisa Colin, Bilal Dufrou, Noé Favre, Jérémy Hoffman Karp, Chloé Lefrançois, Manon Preterre, Quentin Van Eeckhout et Guillaume Veyre
Lumières Arthur Petit
Musique et son Jérémy Hoffman Karp
Participation aux costumes Bruno Marchini et l’Atelier Costumes du Studio-Théâtre d’Asnières
Du 11 octobre au 1er novembre 2016
Théâtre de Belleville
94 rue du Faubourg du Temple
75011 Paris
http://www.theatredebelleville.com/index.php