« Liberté à Brême » de Rainer Werner Fassbinder, mise en scène de Stéphane Douret, au théâtre de Belleville

Article de Justine Uro

Libre au milieu des cadavres

Geesche Gottfried est une jeune femme continuellement brimée et humiliée par son mari. Après une énième persécution, elle lui apporte un verre de schnaps et il meurt subitement. Geesche est alors seule à la tête d’une importante entreprise. Pour l’aider dans la gestion de cette société, elle fait appel à un ami qui devient son amant. Sa mère désapprouve cette liaison non officielle, contraire aux bonnes mœurs et à la religion. Peu à peu, son amant devient moins tendre et même très autoritaire. Son père, honteux du comportement de sa fille, souhaite un mariage pour qu’un homme reprenne les affaires en mains. Mais Geesche Gottfried affirme son désir de vivre libre, en fréquentant les hommes qu’elle veut et en gardant le pouvoir sur son entreprise qu’elle estime pouvoir gérer seule. Pour sauvegarder cette liberté, les personnages qui s’opposent à ses désirs ou se permettant de juger sa moralité sont empoisonnés de sa main.

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© Miliana Bidault

La force de cette proposition tient surtout dans la création d’une atmosphère très particulière. Atmosphère lugubre, heureusement compensée par un soupçon de comédie dans la répétition des meurtres commis par l’apparente très douce Geesche. Des caisses en bois créent quatre espaces sur scène, dans une belle scénographie. La lumière est très tamisée, l’aire de jeu étant principalement éclairée par des bougies. Une musique angoissante participe fortement à la création d’un cadre propice au meurtre. Elle est parfois interrompue par les pleurs non moins angoissants d’un bébé qui semblent ne pouvoir s’arrêter. En fond de scène, côté jardin apparaît le père de Geesche, côté cour sa mère, figures de l’ordre moral qui surveillent et jugent leur fille. Immobiles, sous une lumière froide qui souligne leur maquillage mortifère, ils contrastent avec la vivacité de Geesche.

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© Miliana Bidault

Le personnage de Geesche se montre d’abord soumis, le corps au sol. Au fur et à mesure que les cadavres s’amoncellent autour d’elle, elle se redresse et s’épanouit. La direction d’acteurs est convaincante. Dans cette atmosphère tamisée et la répétition des événements, réussir à ne pas créer de longueurs et un défi plutôt bien tenu. Cependant, c’est le thème d’une femme passant par le meurtre pour s’émanciper que dépeint cette pièce tirée d’un fait divers du XIXe siècle ; on aurait pu en espérer un traitement d’une plus ample profondeur.

 

 

Liberté à Brême

Traduction Philippe Ivernel © L’Arche Éditeur

Mise en scène et direction Stéphane Douret

Assistanat à la direction Quentin Van Eeckhout

Avec Éléonore Alpi, Léonard Boissier, Lisa Colin, Bilal Dufrou, Noé Favre, Jérémy Hoffman Karp, Chloé Lefrançois, Manon Preterre, Quentin Van Eeckhout et Guillaume Veyre

Lumières Arthur Petit

Musique et son Jérémy Hoffman Karp

Participation aux costumes Bruno Marchini et l’Atelier Costumes du Studio-Théâtre d’Asnières

 

Du 11 octobre au 1er novembre 2016

 

Théâtre de Belleville

94 rue du Faubourg du Temple

75011 Paris

http://www.theatredebelleville.com/index.php