Reprendre le mythe fondateur de L’Orestie dans une atmosphère plus moderne, le déplacerdans notre société contemporaine notamment en l’amenant vers la culture hip-hop, le rap et le slam, cela aurait été probablement plus efficace. Dans L’orestie, opéra hip-hop, c’est plutôt l’inverse qui se passe. Avec une maîtrise indéniable du croisement des disciplines, D’ de Kabal transporte son univers hip-hop vers la forme du théâtre antique grec. La volonté première étant de conserver le choeur antique, le spectacle perd de sa puissance envers le spectateur. En effet, dans cette réécriture, l’histoire concrète des Atrides constitue l’objet principal du texte durant les deux premiers épisodes, ce qui change par rapport à la plupart des mise en scène contemporaines de L’Orestie, qui vont privilégier un côté symbolique voire lyrique. Malheureusement, la forme choisie engendre redites et répétitions en permanence, ce qui conduit le spectateur à décrocher rapidement et trop souvent. Par ailleurs, bien qu’un sentiment de puissance évident se dégage du travail musical, basé uniquement sur le vocal, les chanteurs ou slameurs s’associant à des beatboxers live sans instrumentalisation enregistrée, celui-ci ne suffit pas à dynamiser suffisamment le spectacle pour que l’on oublie de très présents problèmes de rythme général. Le beat sur lequel les slameurs posent leurs partitions est trop souvent semblable, et il n’y a très vite plus de surprises. On s’attend trop à ce qui vient.
La grande nouveauté du spectacle par rapport au texte antique d’Eschyle vient du troisième et dernier épisode. D’ de Kabal choisit, probablement à raison, de réécrire le procès d’Oreste enprenant beaucoup plus de libertés que dans les parties précédentes, afin d’évoquer des faits de société correspondant nettement plus à notre situation actuelle. Mais le modèle formel n’évoluant pas, le message ne passe pas très bien. C’est toujours le même système qui se répète, sans vraiment de gradation de puissance qui aurait pu ramener le spectateur dans une attention décuplée. On nous martèle avec un certain manque de subtilité dans le texte (comme une opposition malvenue de la poésie et des mathématiques, encore plus dans un contexte d’antiquité grecque) des messages sur la justice et l’égalité, en les répétant tant de fois qu’on finit par ne plus vouloir les écouter.
Finalement, un spectacle trop long par rapport au rythme qu’il propose, mais un travail inspiré et une réunion de mondes rare et pertinente. L’Orestie, opéra hip-hop, pourrait constituer le brouillon d’un genre théâtral bourré de promesses et de nouveautés, dont il sera sûrement passionnant de suivre l’évolution.
© Christophe Raynaud de Lage
Informations pratiques
Auteur(s)
D’ de Kabal,
adapté d’Eschyle
Mise en scène
Arnaud Churin et D’ de Kabal
Avec
Arnaud Churin, Murielle Colvez, D’ de Kabal, Mia Delmaë, Marie Dissais, Didier Firmin, Hutch, KIM, Kohndo, Mike Ladd, Franco Mannara, Nina, Raphaël Otchakowski, Emanuela Pace, Guillaume Rannou, Scouilla, Arnaud Vernet Le Naun, Alexandre Virapin, Isabelle Zanotti
Dates
Du 7 au 13 mars 2018
Durée
2h30
Adresse
MC93 – Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis
9 boulevard Lénine
93000 Bobigny
Informations et dates de tournée
https://www.mc93.com