« L’UN DANS L’AUTRE »  Variations muettes sur une espèce hybride : le couple 

Le duo franco-argentin composé de la comédienne marionnettiste Delphine Bardot et du musicien marionnettiste Santiago Moreno revisite le couple à travers des tableaux silencieux et des jeux de miroir. Échange des corps, inversion des « rôles » et travestissement, le tandem désamorce les clichés normatifs genrés. Quand la parole s’évapore, le langage naît des mains, l’éloquence est déléguée aux sons et aux images. Avec en lame de fond la thématique actuelle de la déconstruction du genre, cette mise en scène polymorphe allie subtilement masques, castelet, théâtre d’ombres et prestidigitation pour brosser le portrait des rouages comportementaux à l’œuvre dans la vie à deux.

Entrelacs d’objets et de corps, la frontière entre l’inanimé et le vivant s’estompe. Le comédien revêt un masque de femme, une marionnette tronc surplombe les jambes de la comédienne si bien qu’on peine à les dissocier. Les corps humains deviennent eux-mêmes pantins, leurs gestes s’automatisent ou se désarticulent, leurs doigts se crispent et décrispent sur une musique mécanique. La lumière accentue les expressions, durcit les traits, mécanise le sensible. Les marionnettes de taille humaine, manipulées par les épaules ou les jambes des comédiens donnent l’impression de se mouvoir en toute autonomie sur le plateau. Les genres s’imbriquent, le féminin et le masculin se chevauchent, les corps fusionnent. Ces corps sont aussi segmentés par la scénographie : une paire de jambes, un buste, une main, des pieds, c’est à nous d’assembler les différentes parties et de bricoler notre alter-ego idéal. L’imaginaire mythologique est latent, les créatures bicéphales comme Janus ou les divinités hindoues aux bras multiples ressurgissent dans les mains et visages décuplés par les avatars marionnettiques des comédiens.

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© David Siebert

La musique, jouée en direct ou enregistrée, vient rythmer habilement le silence et dynamiser la représentation. L’objet ne résiste pas à la métamorphose et devient instrument, le ventre de la marionnette féminine devient un caisson à cordes, Santiago Moreno chatouille les barreaux d’une cage comme une harpe et fait carillonner les sonnettes. Incontestable virtuose, le musicien argentin fait également vibrer guitare et violoncelle en passant par le charango. Telle une femme-orchestre, les pas de danse de Delphine Bardot déclenchent des notes grâce à un mécanisme de poulie qui relie ses membres à divers instruments. Un rien devient désopilant, on pense par exemple aux imprimés fleuris ou géométriques du décor assortis avec les costumes des comédiens. Des tableaux qui s’enchaînent avec une précision d’horloger, un jeu impeccable de la part des acteurs, des marionnettes d’un réalisme impressionnant : tous les ingrédients d’un spectacle de grande qualité sont réunis.

Si le mutisme de la compagnie La Mue/tte pourrait décourager les amateurs d’un théâtre à texte, celle-ci ne manque pas d’embarquer le spectateur dans une expérience cocasse et poétique avec une sensualité idoine. Le Théâtre du Mouffetard nous donne l’occasion de suivre leur travail et accueillera une autre création de la compagnie intitulée Les Folles du 17 au 28 octobre.

 

Informations pratiques

Une création de
Delphine Bardot et Santiago Moreno

Dates
Du 10 au 15 octobre 2017

Durée
50min

Adresse
Le Mouffetard – Théâtre des arts de la marionnette
73 rue Mouffetard
75005 Paris

Informations et dates de tournée


https://www.lamuette.org

http://lemouffetard.com