« MACAQUES » suivi de « LILITH » et de « LA FEMME ASSISE QUI REGARDE AUTOUR » Trois monologues forts, destinés à des femmes et qui évoquent la condition féminine, sans jamais s’appesantir, et avec une belle sensibilité

Macaques, suivi de Lilith et de La Femme assise qui regarde autour de Hédi Tilette de Clermont-Tonnerre aux éditions Solitaires Intempestifs

Dans MACAQUES, l’héroïne est une petite fille de huit ans et demi. Elle tient deux photos dans sa main et se tient devant une porte entrouverte. Elle mettra du temps à franchir cette porte. À la fin de chaque péripétie, une didascalie précise : La petite fille va pour franchir la porte du hangar. Mais elle n’en a pas encore fini.
Chapitrée comme un roman, la pièce annonce la couleur, du moins pour le lecteur :
1- Mima
2- La guerre à l’intérieur
3- Le vent du changement
4- L’hôpital Maison Blanche
5- Fanta
6- Le royaume des morts
7- Poussière
(NB/ une erreur de numérotation : il y a deux numéros 4)

La petite fille de huit ans et demi s’adresse à sa mère. C’est à elle qu’elle raconte l’histoire, l’histoire de ce mot « macaque », ce mot employé par un monsieur aux cheveux gris : sale macaque, on ne sait pas pourquoi, à l’adresse de Mima (sa grand-mère sans doute) qui se déplace avec difficulté dans le bus. On ne dit pas «macaque » à n’importe qui. Mais il n’est pas précisé qu’il s’agit de personnes de couleur. On le devine parce qu’on se souvient que les bons catholiques de la manif pour tous traitaient ainsi la ministre Christiane Taubira en lui faisant offrir des bananes par leurs enfants… raffiné !
Bien sûr, la petite en connaît d’autres, des insultes, de celles qu’on entend dans la cour de récré… mais il n’est pas utile d’en informer Mima, car Mima ne supporte pas les insultes, cela la glace, la terrifie, la mortifie.
Quant au père, c’est une sorte de courant d’air qui apparaît parfois et se donne bonne conscience en posant des questions aussi précises que vaines : tu es lavée ? tu as mangé ? et les devoirs ? et les ongles, et les dents ? … et puis il disparaît de nouveau.
La petite fille de huit ans et demi est en colère ; elle distribue les châtaignes à qui la traite mal, à qui lui manque de respect. Mais la haine monte : on trouve des inscriptions sur les portes « sales macaques » et les châtaignes n’y font rien. Même monsieur Quintin qui était bienveillant devient agressif. Au nom des copropriétaires…
On pense évidemment à nombre de situations similaires et particulièrement à ce qui est arrivé aux juifs dans les années trente et quarante du siècle dernier, mais l’auteur évite tout pathos en restant allusif et sa langue simple en apparence, est très belle. Un beau texte qui permettra aux jeunes de réfléchir.

LILITH, deuxième monologue de ce recueil, donne la parole à la (véritable) première femme, pas celle qui a été fabriquée avec la côte d’Adam, mais celle qui a été créée en même temps que lui et qui n’est mentionnée que brièvement au verset vingt-sept de la Genèse. Lilith, l’égale d’Adam, la créature insupportable par là même qu’elle n’est pas soumise.
Avec elle, on a tenté l’omission, puis le dénigrement et on a donné à Adam une épouse bien soumise, inférieure à lui et idiote qui plus est, puisqu’elle se laissera tenter par le serpent … Très joli texte revendicatif, bien dans le ton de l’époque me too qui met en scène la femme rebelle, la femme insoumise, celle qui assume ses désirs comme le font les hommes.

La pièce a été présentée au théâtre des Halles à Avignon, durant le festival 2014

LA FEMME ASSISE QUI REGARDE AUTOUR, troisième monologue de ce recueil, est un texte court dans lequel une femme fait une sorte d’inventaire de ses trésors dérisoires, de la commode au bureau, en passant par la bibliothèque, les disques, la pharmacie pour en revenir à la commode et à la photo sur la commode : c’est la première fois que je bois du Champagne. Et cette première fois a laissé des traces indélébiles dans la mémoire de cette femme-là !
Un récit court, allusif lui aussi, nostalgique à souhait. Idéal pour une comédienne mélancolique et sensible.

Informations pratiques

Auteur(s)
Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre

Prix
15 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com