Article de Dashiell Donello
Le « théâtre de la distorsion » revisite Shakespeare
Après l’avant-première publique de sa création de Macbeth de Shakespeare, le metteur en scène vient donner ses notes aux comédiens, et à toute l’équipe artistique, dans l’espace vide d’un théâtre. Le résultat ne l’a pas convaincu, c’est le moins que l’on puisse dire. Malgré tout, il faudra être prêt pour la première. Alors l’état d’urgence va transcender l’homme de théâtre, au-delà du jeu et de la fiction.
Créateur du « théâtre de la distorsion », cet avant-gardiste inspiré va rejouer, à travers ses notes de mise en scène, la pièce idéale. De la distorsion ! Voilà son leitmotiv. Pas de décors ni d’accessoires et encore moins de personnages, car les personnages n’existent pas ! Ce ne sont que des clichés colportés par les Jouvet et autres Dullin, Copeau. Il faut, comme Artaud, faire des signes à travers le feu et ne pas tomber dans le panneau des emplois. Un Hamlet gros et laid vaut mieux qu’un bellâtre désincarné !
Le metteur en scène de la distorsion joue, sous la douche d’une poursuite, Macbeth lui-même. Stigmatisant et démontant le jeu de son comédien principal Jean-Marc, un acteur de célèbres talk-shows. Seul son créateur vidéo, Rainer, un Allemand, est porté aux nues, par l’inventeur du théâtre de la distorsion, sans que l’on n’ait aucune certitude de son talent supposé.
Ce Macbeth (The Notes) est un clown qui se serait perdu dans une tragédie. Le propos de théâtre de Dan Jemmett pose la question du jeu d’acteur dans les pièces de Shakespeare. Faut-il être un comédien de composition, d’incarnation ? Doit-on construire son personnage, être soi-même ou faut-il (cela marche très bien paraît-il) rouler les « r » ? C’est aussi un discours passionnément amoureux du théâtre que ce Macbeth (The Notes).
Cela ne signifie pas rien d’être un idiot quand le théâtre vient à nous pour nous donner le sens de l’étoffe du rêve. Le bruit et la fureur deviennent désirables à la folie et l’espace vide, cher à Peter Brook, nous comble et nous ravit.
Ce Macbeth, tout en distorsion, comme le théâtre préconisé par le metteur en scène, électrisent les conventions et les emplois d’un autre temps par une dérision qu’utilise Dan Jemmett sur lui-même en se moquant des acteurs russes (merveilleux, mais parfois chiants) et de son Hamlet à la Comédie Française, où Ophélie meurt dans les chiottes à la fin de la pièce. Un grand divertissement théâtral, interprété magistralement par David Ayala, qui plaira aux gens de théâtre, et aux non initiés.
Macbeth (The Notes)
D’après Macbeth de William Shakespeare
Jusqu’au au 14 novembre 2015
Traduction Jean-Michel Déprats
Adaptation Dan Jemmett et David Ayala
Conception et mise en scène Dan Jemmett
Collaboration artistique Juliette Mouchonnat
Avec David Ayala
Théâtre des Bouffes du Nord
37 bis, bd de La Chapelle
75010 Paris
http://www.bouffesdunord.com