Un article de Pierre-Alexandre Culo.
© Franck Guillemain
Une femme enceinte reste allongée au milieu des décombres roses-bonbon de sa fête d’anniversaire. Dans l’herbe de ce jardin jonché des résidus de cette nouvelle année à venir, de cet enfant en devenir, les spectres de sa mère ressurgissent. L’accompagnement difficile sur la route des cancers -ceux successifs de sa mère et de son père- tel une épreuve d’une mythologie contemporaine, une histoire qu’Edith retisse ou défait. Elle parle à voix haute à son enfant, il faut transmette, de chair en chair. Le Massacre du printemps est un spectacle sauvage qui s’éclate avec force, avec la fureur de vivre, de continuer la course.
Elsa Granat et Laure Grisinger mènent une dramaturgie sans misérabilisme qui s’inscrit dans une transposition sensorielle du parcours de vie de ces accompagnants. Cette histoire prend la force et la maturité du conte, d’un récit initiatique et intemporel. Le spectacle joue avec finesse sur cette corde, sensible et rude, sur ce fil tendu entre la réalité abrupte du souvenir et la douce folie du fantasme. Sur ce chemin tracé, l’attention est toujours vive et accrue sur ce paysage empli d’humanité que nous dévoile Elsa Granat.
Sur ce chemin, le figure d’Edith se divise en un trio inter-générationnel puissant – de 27 à 90 ans- où se frictionnent, se fondent les unes dans les autres, les trois femmes qui cohabitent ce combat. Ce personnage à trois visages se renforce, se soutient, se brutalise. Une force de vie se dégage de ce trio mené par trois comédiennes au jeu dense et immédiat.
« Je ne savais plus quel âge j’avais véritablement, je pouvais pleurer comme un enfant et à la fois relativiser comme un sage indien, tout en profitant de chaque instant comme une adolescente. » Elsa Granat.
Du côté de la médecine occidentale, les oncologues, infirmières et autres spécialistes se dévoilent dans un combat entre rigueur médicale et la nécessité de chaleur, d’attention, de cette équipe d’accompagnement. Par où passer quand les mots n’ont plus d’impacts ? La tendresse du contact, la chaleur des énergies, l’impact thérapeutique de la musique ? Le souvenir sensoriel jaillit dans ces personnages gravitant autour du drame familial et personnel.
Le Massacre du printemps est une création éclatante de sincérité. Malgré une vitalité qui peut vaciller par ses élans maladroits, la création d’Elsa Granat dévoile un spectacle intime, une très belle pièce de femme, exigeante et vibrante.
« Et on court dans le seul but de la joie de courir. Et d’en pleurant inonder les gouffres, les remplir des eaux, les rendre bleus et non plus noirs profonds. Et avancer sans se cogner la chair entre les dents. » Extrait.
LE MASSACRE DU PRINTEMPS
Cie Tout un ciel
TRAVAIL DIRIGÉ par ELSA GRANAT
DRAMATURGIE LAURE GRISINGER
Avec JENNY BELLAY, ELSA GRANAT, EDITH PROUST, CLARA GUIPONT, HELENE RENCUREL, ANTONY COCHIN
CRÉATION MUSICALE ENZO BODO et ANTONY COCHIN
CRÉATION LUMIÈRE VERA MARTINS
COSTUMES MARION MOINET
Du 3 au 15 mars 2017
Théâtre-Studio
16 rue Marcelin Berthelot
94140 Alfortille
https://www.theatre-studio.com