« MAY B », une danse de la vie macabre mais terriblement poignante, ou le come-back de la grande Maguy Marin !

May B de Maguy Marin © Hervé Deroo

Quarante-trois ans après la première représentation en 1981, la célèbre figure de la danse contemporaine Maguy Marin revient avec son incontournable/intemporel May B et une troupe sensationnelle composée pour cette année de cinq danseurs et cinq danseuses. Le succès de ce spectacle toujours très attendu et que nombreux (re)découvrent n’est plus à garantir : retour sur une performance prodigieusement vivante qui parvient à nous émouvoir par son sublime et sa justesse.

Diffusées dans l’obscurité, rideau baissé, des notes de piano accompagnées d’une voix lyrique retentissent. Mais où sont donc les danseurs ? Après plusieurs longues minutes de suspense, le rideau se lève, toujours dans le noir complet. Puis grand silence. On aperçoit progressivement les corps de chaque performeur, enveloppés dans des vêtements amples, les visages couverts d’une pâte blanchâtre qui les rend fantomatiques, presque cadavériques. Faiblement éclairés, ces mêmes corps demeurent figés un instant volontairement prolongé, dérangeant, voire oppressant : le moindre mouvement provenant du public résonne soudain dans toute la salle. Puis, coup de sifflet strident : la machine infernale est lancée, le cycle de la vie s’apprête à se dérouler, tel un étrange rituel aussi terrifiant que fascinant.

Les spectateurs assistent sur scène à ce qui s’apparente à une naissance, dans une atmosphère pourtant plutôt morbide, grave et dissonante. Occupant tous les coins et recoins du parterre nu, dépourvu de tout décor, les corps s’agitent unanimement, d’abord lentement, traînant des pieds, tout cela dans un profond silence rompu par des bribes de voix et de respiration à l’unisson, pouvant procurer là une sorte de malaise. Puis, d’un pas progressivement très cadencé, à un rythme saccadé, s’opère dans l’agitation une parfaite symbiose d’une précision admirable et qui offre au regard stupéfait un seul et même mouvement, tantôt fluide, tantôt spasmodique, produisant un effet convulsif, comme une multitude de pulsions de vie, ou de mort ; comme si, en l’espace d’une microseconde, le cœur de tous les danseurs, ne formant plus qu’un, cessait simultanément de battre puis reprenait sa course, indéfiniment.

Nulle part et partout à la fois, exécutant avec une très grande maîtrise des gestes presque quotidiens mués en danse, les danseurs dévoilent aussi toute une palette de jeu dans ce spectacle en vérité très théâtral. L’expressivité des émotions rejoint alors celle des corps, délivrée dans l’incarnation de personnages évolutifs, faisant référence à plusieurs reprises à ceux que l’on retrouve dans les pièces de Samuel Beckett. En effet, à l’instar de l’œuvre du dramaturge anglo-saxon, avec des textes comme En attendant Godot (1952) ou encore Fin de partie (1957), May B explore ici la fragilité de notre humanité. À travers des tableaux mouvants hors normes et la mise en scène de figures aussi humaines qu’inhumaines, voire démoniaques, Maguy Marin signe ici de nouveau une pièce chorégraphique emblématique mettant en lumière dans un tout autre espace-temps l’absurdité de l’existence, ce qu’elle a d’éphémère, sa fatalité. Elle semble vouloir interroger les conséquences de ce monde sur ces corps parfois solitaires, apeurés, perdus, meurtris, secoués par les pleurs mais aussi par le plaisir, la gourmandise, la luxure, le bonheur simple d’être ensemble. Ensemble, scène et salle, danseurs et spectateurs, pris à partie dans ce tourbillon de la vie qui va finir, maybe (peut-être). Tout comme ce spectacle.

May B, peut-être bien l’une des odes les plus sublimes à la fragilité de l’existence ?

MAY B - MAGUY MARIN

May B de Maguy Marin © Hervé Deroo

Informations pratiques

MAY B

Chorégraphie 
Maguy Marin

Avec
Kostia Chaix, Kaïs Chouibi, Lazare Huet, Daphné Koutsafti, Louise Mariotte,
Lisa Martinez, Alaïs Marzouvanlian, Isabelle Missal, Rolando Rocha, Ennio Sammarco

Répétiteur Ulises Alvarez
Lumière Albin Chavignon
Costumes Louise Marin
Musique originale Franz Schubert, Gilles de Binche, Gavin Bryars
Coproduction Compagnie Maguy Marin ; Maison des Arts et de la Culture de Créteil

Dates
Du 26 au 28 mars 2024 au T2G Théâtre de Gennevilliers, Centre Dramatique National
4 et 5 avril 2024 à la Scène nationale du Sud-Aquitain, Bayonne
21 et 22 mai 2024 au Sadler’s Wells à Londres
4 juin 2024 au Theater Füerstenfeld à Füerstenfeldbruck (Allemagne)

Durée
1h30

Adresse
T2G Théâtre de Gennevilliers – Centre Dramatique National
41, avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers

Informations complémentaires

T2G Théâtre de Gennevilliers
theatredegennevilliers.fr

Compagnie Maguy Marin
compagnie-maguy-marin.fr