Comme beaucoup cette saison, Julie Deliquet choisi de s’attaquer aux textes de Tchekhov. Pourquoi monter ces textes aujourd’hui ? En quoi la parole d’un auteur écrivant il y a plus de cent ans peut représenter un miroir étonnement précis et critique de notre société contemporaine ? Avec le collectif In Vitro, Julie Deliquet apporte des réponses claires. Mélancolie(s) est une adaptation – fusion de deux grandes pièces du dramaturge russe, Les Trois Soeurs et Ivanov. Ce qui nous est donné à observer sur scène devient d’une réalité sidérante. Le travail que la metteuse en scène a accompli avec ses comédiens consiste à ce qu’ils s’approprient la langue tchekhovienne en improvisant autour et en ramenant les situations à notre époque. Le spectacle redonne une place aux personnages et aux comédiens que l’on ne voit plus si souvent sur les planches. Dans un procédé quasi-cinématographique, on observe la descente aux enfers psychologique de Nicolas, avatar de la figure d’Ivanov, qui entraîne les autres dans sa mélancolie. Le dispositif scénique, très simple, donne l’impression d’assister à l’enchainement de plusieurs plans-séquences, qui confèrent aux comédiens une liberté et une justesse au plateau qu’on ne saurait remettre en question. Le collectif est parvenu à une telle adaptation au et du texte qu’il soulève avec acuité et intelligence certaines questions essentielles de leur génération et probablement de la suivante. Que faire face à l’avancée de l’âge ? Y a-t-il un espoir dans notre avenir ? Dans celui des générations futures ? Quelle est ma place dans cette société ? Etc. Suivant le triptyque Des années 70 à nos jours…, ce spectacle marque l’entrée dans les interrogations nouvelles, dans la plus jeune considération de notre monde. Et avec des textes datant d’un siècle, c’est très fort. De la part de l’auteur, et du collectif In Vitro.
Ce qui frappe le plus, ce sont les comédiens. Et malgré tout, c’est ce qui manque le plus au théâtre de nos jours. La place centrale du jeu, comme expérience de la réalité. Julie Deliquet nous prouve à nouveau que seuls huit comédiens, vivant réellement ce qui se passe au plateau, se laissant traverser par les textes et les situations, et se réunissant autour d’un dramaturgie commune, suffisent non seulement à offrir un spectacle de qualité, mais aussi à remuer tripes et méninges de ceux à qui il est donné de partager ce moment. Il ne s’agit pas de tomber dans le naturalisme, mais de communiquer de réelles émotions, et ça, ça passe très bien. Pendant presque deux heures, on ne perd pas un mot de ce qui se dit. Et pout tout ça bravo, et surtout merci.
© Simon Gosselin
Informations pratiques
Auteur(s)
Anton Tchekhov
adapté par le collectif In Vitro
Mise en scène
Julie Deliquet
Avec
Julie André, Gwendal Anglade, Éric Charon, Aleksandra De Cizancourt, Olivier Faliez, Magaly Godenaire, Agnès Ramy, David Seigneur
Dates
Du 29 novembre au 22 décembre 2017, puis du 8 au 12 janvier 2018
Durée
1h50
Adresse
Théâtre de la Bastille
76, rue de la Roquette
75011 Paris
Informations et dates de tournée
http://www.theatre-bastille.com