[Mimos IN] « LES ARRIÈRE-MONDES » de la Cie Mossoux-Bonté, des créatures étranges questionnent notre humanité

Les arrière-mondes, mise en scène Patrick Bonté et Nicole Mossoux © Julien Lambert

Pour les 40 ans du festival Mimos à Périgueux, un hommage est rendu aux figures tutélaires du festival, mais aussi à celles et ceux qui ont contribué à son renouvellement. La compagnie Mossoux-Bonté a été programmée à plusieurs reprises au festival Mimos avec notamment The Taste of Poison en 2019. Créé en 1985 par la danseuse et chorégraphe Nicole Mossoux et le metteur en scène Patrick Bonté, la compagnie belge qui va bientôt fêter ses 40 ans d’existence également, se distingue par les univers étranges et inquiétants qu’elle fait traverser donnant libre cours à l’imaginaire des spectateurs et les entraînant vers des champs inexplorés tout en réussissant à se renouveler dans ses propositions. Leur dernière création Les arrière-mondes présentée dans le IN, au théâtre de l’Odyssée est une proposition étonnante entre théâtre gestuel et danse.

Six créatures s’avancent silencieuses du fond de la scène vers le public, chacune dans sa ligne séparée par des rideaux noirs. Les apparitions sont d’abord fugaces, de petits mouvements dans des tenues amples noires, blanches ou pâles, certaines portent de grandes robes ne permettant pas de distinguer leur forme. Là encore le mystère initial permet de former des images dans notre cerveau à la vue de ces êtres effrayants décharnés au teint blafard comme des morts-vivants sortis d’outre-tombe ou des vampires. Ils se font petit à petit happer par la lumière et l’on découvre leur coiffe insolite, leur front haut. Ils continuent d’aller et venir dans ce qui pourrait être les couloirs du temps. Leurs regards tour à tour nous scrutent, nous dévisagent, nous magnétisent, ils cherchent à nous transmettre de leur histoire, de notre Histoire traversée par les chaos, les guerres et les épidémies, un vécu pesant, horrifique qui transpire dans leurs gestes singuliers retombant parfois par à-coups et leurs souffles pénétrants. Ces personnages (courtisanes du XVème siècle, anges chauves, fantômes, …) se montrent sous des jours divers là transis de peur et d’effroi, parfois les mouvements des danseurs se font sensuels, ce qui devient perturbant. La musique originale de Thomas Turine accompagne l’ensemble. Cela pourrait être des figures sorties de la Porte de l’Enfer du sculpteur Rodin.

Le travail des interprètes Dorian Chavez, Taylor Lecocq, Colline Libon, Lenka Luptakova, Frauke Mariën et Flora Gaudin est remarquable. Il demande une concentration et une écoute à toute épreuve à travers ces incarnations et métamorphoses spectaculaires. La compagnie Mossoux-Bonté parvient à nous entraîner dans un monde fantastique où le monstrueux fascine. Les corps sont déformés, désaxés, associés et créent de nouvelles formes par le jeu des lumières, les postures désarticulées, loin de toute normalité avec un nombre important de bras ou bien une femme portant sa tête à la main, des jumeaux hydrocéphales et bon nombre de figures troublantes voire cauchemardesques au fur et à mesure des tableaux. Malgré toute la noirceur, ces « revenants » tentent de se rapprocher, d’établir le contact avec maladresse prenant encore des formes inattendues. Et l’on se surprend soudain à s’attacher à ses êtres difformes dans la détresse qui veulent s’accrocher obstinément aux vivants. Les costumes de Jackye Fauconnier et les têtes apprêtées par Rebecca Florès-Martinez nous font traverser le temps, soulignent l’étrangeté des personnages et leur donnent une prestance et une fluidité gestuelle. Les danses de groupe en avant-scène s’essoufflent et peinent à raconter par rapport à la dramaturgie forte soufflée au départ. Entre la vie et la mort, Les arrière-mondes invitent à dépasser ses peurs, à aller de l’avant sans se retourner, à projeter, à construire ensemble dans un monde fantasmagorique où tout devient possible grâce au savoir-faire et à la poésie de la compagnie Mossoux-Bonté.

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Les arrière-mondes, mise en scène Patrick Bonté et Nicole Mossoux © Julien Lambert

Informations pratiques

LES ARRIÈRE-MONDES Création 2021 – Cie Mossoux-Bonté
MIMOS Les 40 ans – Festival des Arts du Geste du 4 au 8 juillet 2023

Mise en scène et chorégraphie
Patrick Bonté et Nicole Mossoux

Interprétation et collaboration artistique
Dorian Chavez, Taylor Lecocq, Colline Libon, Lenka Luptakova, Frauke Mariën et Flora Gaudin

Musique originale Thomas Turine
Scénographie Simon Siegmann
Costumes Jackye Fauconnier
Masques, coiffes et maquillages Rebecca Florès-Martinez
Assistée par Marie Messien, Isis Hauben, Sandra Marinelli et Jean Coers
Lumière Patrick Bonté
Direction technique Jean-Jacques Deneumoustier
Réalisation des costumes avec l’aide de Cécile Corso, Anicia Echeverria et Muazzez Aydemir
Régie son Fred Miclet
Régie lumière Hugues Girard
Assistanat Baptiste Leclère
Création lumières et direction technique Reinhard Hubert
Production Compagnie Mossoux-Bonté

Dates
7 juillet 2023 à 20h

Durée
1h

Adresse
L’Odyssée – Festival MIMOS
Esplanade Robert Badinter
24000 Périgueux

Informations complémentaires
MIMOS, Festival des Arts du Geste 40ème édition
http://www.mimos.fr

Compagnie Mossoux-Bonté
www.mossoux-bonte.be