« Mona, pièce musicale » d’Emily Loizeau, au 104

Une proposition aussi musicale que décousue

Pièce musicale moderne et audacieuse, Emily Loizeau met au monde un enfant-patchwork, morceaux de concert, de théâtre contemporain et d’art numérique qui à force d’être cousu trop grossièrement, offre aux regards un ensemble charmant mais qui ne séduit pourtant pas dans sa réalisation. Malgré une poésie et une musicalité qui mérite incontestablement le détour d’une oreille, le pas du concert à la forme théâtrale semble néanmoins lourd et maladroit.

Mona est un croisement délicat entre deux histoires de noyades, à l’endroit et à l’envers, de l’intérieur et de l’extérieur. Un miroir entre la naissance de Mona, enfant caractérielle et psychotique de 73 ans, née et vouée à mourir sous le poids de ses rides, et les derniers souvenirs d’un marin de la Navy lors d’un naufrage inévitable. Deux destins pesants et impitoyables qui sont traités avec une tendre simplicité par la plume d’Emily Loizeau et un univers musical doux et vaporeux. La poésie de ces destins prime sur leur fatalité, et cela fait du bien. Le livret est intelligent et profond, abordant avec délicatesse la folle détresse d’une mère, la violence du milieu psychiatrique et la culpabilité de l’hérédité.

Cette sincère beauté du projet, enveloppée dans une scénographie pointue de projections numériques, peine pourtant à trouver un ensemble cohérent et stable. L’interprétation hétéroclite, entre la sincérité minimale d’Emily Loizeau et l’extravagance clownesque et injustifiée de certains comédiens, pénalise la partie théâtrale qui se trouve en parfait décalage avec le haut-niveau de la musicalité et de la scénographie. L’intention principale qui voudrait une forme immersive, métamorphosant la salle en hôpital psychiatrique à l’aide de blouses médicales, use de vieux codes de théâtralité qui se frictionnent violemment avec la modernité de l’ensemble.

La pièce satisfait pour la performance d’Emily Loiseau et de ses musiciens, mais la pièce musicale laisse une légère pointe de frustration quant à la poésie inexploitée de cette jeune et vieille Mona pour qui l’on se prend d’une vive affection.

Mona

Texte Emily Loizeau – avec la collaboration de Frédéric Cherboeuf et Kate Hargreaves
Musique Emily Loizeau
Mise en scène Julie-Anne Roth
Dispositif vidéo Patrick Laffont, collectif MXM

Avec Emily Loizeau, Kate Hargreaves, Nicolas Martel et Julie-Anne Roth
Musiciens: Olivier Koundouno, Casaba Palotaï, Benjamin Flamant et Clément Oury.

Le 8 et 9 janvier 2015
et en tournée.

Le Cent-Quatre
104 rue d’Aubervilliers
75019, Paris.
http://www.104.fr

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