« MORPHÈ », un voyage onirique du singe au sage

Morphè, mise en scène et jeu Simon Falguières © Christophe Raynaud Delage

Après Le Nid de Cendres et Le Rameau d’or, Simon Falguière revient avec son dernier spectacle à quelque chose de plus intime, dans une ambiance onirique et jubilatoire. Entre récit cosmique et conte pour enfants, Morphè raconte Pierre, qui lui-même raconte sa mère, qui à son tour se souvient de son père, Rezzo et de son théâtre, La Baleine bleue. Une histoire d’enfance dans un contexte de mort. Le clown y est central – encadré par un jeu conté et masqué très précis – comme un chaos d’où émerge tout le reste.

Le décor d’Alice Delarue devient une puissance de l’arbitraire, déterminée à le tourmenter ; dans le ventre de la Baleine, Rezzo accepte et danse avec le chaos, apprend par l’échec et construit par fragments ce qui se révèle comme une image d’ensemble. Tout prend sens par le sensible. Les gestes et la paroles nets de l’acteur instaurent le code de manière évidente et produit la fluidité nécessaire à ce spectacle à la fois simple et mystérieux. La répétition, voilà peut-être ce que le clown et le conte ont en partage. Pourtant, quand les hommes et la guerre arrivent, le clown doit partir. La répétition n’est plus celle, comique, des erreurs et apprentissages de l’enfant qui explore un espace aussi flou que lui ; elle devient gestuelle et verbale, quasi-invocatoire, propice à l’évocation de figures entre lesquelles Simon Falguières jongle expertement. Des épisodes marionnettiques et d’objets viennent soutenir cette dichotomie première, et font émerger une véritable transdisciplinarité.

Au cours de ce drame cyclique, qui naît de la nécessité à chanter la naissance, le corps est premier ; l’objet vient après, comme un autre non-humain avec qui le dialogue permet de définir les frontières. Mais l’âge de fer arrive, la guerre revient au premier plan, et la mort avec ; non plus des objets merveilleux et mystérieux que le clown manipule, mais des figures immobiles, menaçantes dans leur immobilité et par l’image qu’elles créent. La lumière de Léandre Gans nimbe le plateau de lueurs qui progressent subtilement de l’aurore au crépuscule, tandis que la partition de Celsan Langlois inscrit cette cage de bois dans un espace tohu-bohu, lointain de tout, comme protégé par un ventre en attendant d’éclore. Se révèle une mystique du clown qui, si elle n’oublie certainement pas de faire rire, ne se prive pas non plus d’émerveiller. Bien qu’étant un spectacle jeune public, Morphè réalise le miracle de parler de la guerre avec douceur aux plus jeunes, tout en faisant gronder sa menace. Reste un ultime chant d’espoir : les tyrans craindront toujours la Baleine bleue, et la Baleine bleue sera toujours là.

230502_RdL_0234
230502_RdL_0254
230502_RdL_0141
230502_RdL_0415

Morphè, mise en scène et jeu Simon Falguières © Christophe Raynaud Delage

Informations pratiques

MORPHÈ – Création 2023

Auteur(s)
Simon Falguières

Mise en scène et scénographie
Simon Falguières

Avec
Simon Falguières
Création lumière Léandre Gans
Création accessoires et marionnettes Alice Delarue
Création costumes Lucile Charvet
Régie plateau Alice Delarue, Roméo Rebière
Régie lumière Léandre Gans, Lison Foulou
Régie son Celsian Langlois, Hippolyte Leblanc
Assistanat à la mise en scène David Guez

Dates
Du 19 octobre au 5 novembre 2023 au Théâtre Paris Villette, Paris

Durée
55 mn

Adresse
Théâtre Paris Villette
211, avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Informations complémentaires

Théâtre Paris Villette
www.theatre-paris-villette.fr