«La Mouette» D’Anton Tchekhov, mise en scène Isabelle Hurtin, théâtre Le Ranelagh

Un Article de Paula Gomes

 

Une mouette en clair-obscur, l’essence même de l’Art 

 

Une maison de campagne familiale où la célèbre actrice Arkadina vient se ressourcer avec son amant Trigorine, un écrivain à succès. Ce soir, Treplev présente une pièce novatrice qu’il a écrite et mise en scène, bien décidé à impressionner sa mère Arkadina. Nina, sa bien-aimée en sera l’interprète. Très vite, le petit théâtre s’installe : le lac de la propriété en toile de fond, quatre bandes de papier kraft accolées en guise de rideau et sur les chaises, le public composé du maître des lieux Sorine, frère de l’actrice et de ses invités. Derrière un voile translucide, une ombre verte évanescente apparaît. Est-ce un rêve, un esprit de la nature ou une porte ouverte vers l’infini ? En ombres chinoises, l’histoire idéalisée et pleine de symbolismes ne séduit pas l’assistance. Nina quitte le jeune dramaturge pour Trigorine. Rejeté, Treplev sombre dans la tourmente. Le théâtre dans le théâtre, une comédie dramatique portée par des personnages fascinants et des situations auxquels les spectateurs s’identifient aisément. Un voyage poétique de toute beauté entre ombres et lumières, au cœur de la créativité.

La Mouette, création d’Isabelle Hurtin met les Arts en avant et la condition d’artiste sur des thèmes contemporains : conflits de génération, amours, solitudes et liberté. La mise en scène incorpore des éléments modernes et révèle des individus rêveurs, ambitieux, dépendants des autres. Chacun se détache avec sensibilité ou détermination. De l’indifférence à la cruauté, de la légèreté à la tragédie, les comédiens talentueux livrent une palette d’émotions et savent aussi manipuler le public. Léonor Ilitch incarne Nina dans sa fragilité et sa fougue, tout de blanc vêtue, elle est « l’âme universelle » qui se souvient de tout. Mathieu Saccucci est Treplev, artiste incompris à fleur de peau, poussé par ses élans. Isabelle Hurtin irradie par son interprétation remarquable d’Arkadina. La nonchalance de Nina et Treplev déconcerte et le rythme de la pièce s’essouffle parfois. Les espaces de la maison, du théâtre, du lac sont soigneusement délimités et jouent de la transparence. La construction se fait avec le public explorant la création artistique : théâtre d’ombres, « formes nouvelles », de magnifiques tableaux soulignés par les belles lumières de Jean-Marc Hennaut.

Écrite en 1896, la pièce d’Anton Tchekhov traite de problèmes d’actualité. Il exprime par la dramaturgie les frustrations individuelles, les maux de la société et donne sa vision du monde. Dans l’incapacité de faire coïncider leur désir avec la réalité, la Mouette est symbole de liberté, de l’amour entre Nina et Treplev. Empaillée, elle devient une traduction onirique de cette histoire, de notre histoire et de la fin violente de notre monde mais reste poétique et porteuse d’espérance comme notre idée du monde. La nature intemporelle et immuable s’oppose à la vie éphémère, aux sentiments à l’épreuve des années qui passent : chaque acteur revêt au fur et à mesure de la pièce un pardessus grisâtre, comme si la poussière s’était posée sur eux. Effets spéciaux, scènes bucoliques nettes, presque photographiques, cette adaptation riche nous transporte à travers le temps : ce sont les Nymphéas de Monet à Giverny, Sarah Bernhart à la Pointe des Poulains, les créatures fantastiques d’Odilon Redon et une kyrielle d’images qui surgissent dans notre esprit.


 

La Mouette 

 

Texte D’Anton Tchekhov, Traduction Antoine Vitez 

Mise en scène Isabelle HURTIN 

Avec : 

Léonor ILITCH Nina – une jeune fille 

Mathieu SACCUCCI Treplev – un dramaturge 

Isabelle HURTIN Arkadina – une actrice 

Lionel ERPELDING ou Didier SAUVEGRAIN (en alternance) Sorine – frère d’Arkadina 

Jean-François CHATILLON Chamraïev – intendant du domaine 

Marjorie HERTZOG Paulina – sa femme 

Fanny JOUFFROY Macha – sa fille 

Thomas COUSSEAU Trigorine – écrivain renommé, amant d’Arkadina 

Frédéric CUIF Dorn – un médecin de campagne 

Bruno BISARO Medvedenko – un maître d’école 

Kevin CHEMLA Iakov – un domestique 

Scénographie Jean-Marc HENNAUT et Jean-Pierre LESCOT 

Assistants Marie VITEZ et Kevin CHEMLA 

Musique François COUTURIER et Jean-Marc LARCHÉ 

Création Lumières et Régie Générale Jean-Marc HENNAUT 

Ombres : Jean-Pierre LESCOT, assisté de Marie VITEZ 

Dessins Manuelle BAUDUIN 

Chant Lara BILGER 

Production La Compagnie du NESS http://cieduness.wixsite.com/ness 

 

Du vendredi 14 au dimanche 30 avril 2017 


Du mercredi au samedi à 20h45
Dimanche à 17h
Supplémentaire le lundi 17 avril à 20h45
Relâche les jeudi 20 et samedi 29 avril 

 

Durée : 2 h 10 

 

Théâtre Le Ranelagh
5, Rue des Vignes
75016 PARIS

 

http://www.theatre-ranelagh.com/ 

 

REPRISE du 12 au 18 juin 2017 au Théâtre de l’Épée de Bois à la Cartoucherie de Vincennes