« La Mouette » d’Anton Tchekhov, mise en scène Thibault Perrenoud, Théâtre de la Bastille.

Un article de Pierre-Alexandre Culo.

 

Un problème d’adolescence

 

Entre irrévérences, élans insouciants et timidité, Thibault Perrenoud dévoile une Mouette adolescente. Après les propositions très remarquées et audacieuses d’Ostermeier ou d’Hubert Colas, cette version laisse voir un travail assagi et bon-enfant. Malgré une approche attractive et vivifiante de la dramaturgie, la mise en scène peine à trouver sa maturité scénique à force d’effets et de distanciations comiques fortuites. L’ensemble peine à s’envoler. Comme en recherche de sa forme et de son identité, la trajectoire de cette Mouette dévie entre des trouvailles réellement excitantes et des chemins  convenus largement empruntés.

© C.Chevalier

La mise en scène se farde d’une image moderne et énergique grâce à une traduction de Clément Camar-Mercier particulièrement réussie et d’un premier acte aux propositions exaltantes. Le travail des deux artistes ne transposent pas mais réinventent avec une fidélité essentielle la langue de Tchekhov. L’approche du dramaturge tend alors à « Comprendre exactement ce que Tchekhov a fait, quand il l’a fait et pourquoi il l’a fait. Savoir ce que ça pouvait vouloir dire pour lui, pour ses personnages et de quelle manière cela doit-il s’adapter à la mise en scène, à la nouvelle dramaturgie : à notre lecture personnelle de la pièce. » Le résultat est surprenant, sincère, au plus proche des comédiens qui s’emparent de cette langue et du plateau avec l’urgence d’exister et de lutter contre l’ennui.

Dans un écrin quadri-frontal, l’énergie de la langue est en symbiose avec l’élan tonitruant du premier acte. Avec des gadgets faciles mais efficaces, Thibault Perrenoud construit la nouvelle forme de Constant avec un humour séduisant. Nina se retrouve dans un costume intégral de gazon, ensevelie sous du terreau fraichement déversé, le tonnerre éclate dans une boîte de pétard, la machine à fumée déraille et fait disparaitre le public. Le metteur en scène trouve un humour qui, à défaut d’être véritablement novateur, dévoile une approche irrévérencieuse et savoureuse de La Mouette.

© Clément Carmar

La magie du spectacle de Constantin passée, les quatre derniers actes peinent à trouver cette même folie. La jeunesse décadente laisse place à une mélancolie adolescente qui se plie aux images erronées de l’écriture de Tchekhov. Les larmes de crocodiles de Constant, Nina ou Irène, tantôt burlesques, tantôt sincères, fatiguent et perdent la force de cette traduction d’une belle et juste adolescence qui, là, s’affranchit de ses codes.


La Mouette

Texte Anton Tchekhov
Texte français, adaptation et dramaturgie Clément Camar-Mercier

Mise en scène Thibault Perrenoud

Avec Marc Arnaud, Mathieu Boisliveau, Chloé Chevalier, Caroline Gonin, Eric Jakobiak, Pierre-Stefan Montagnier, Guillaume Motte, Aurore Paris

Assistant à la mise en scène Guillaume Motte
Scénographie Jean Perrenoud
Conception lumières et régie générale Xavier Duthu

Durée: 1h50

Du 6 mars au 1er avril 2017

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette
75011 Paris

www.theatre-bastille.com