« NARMOL », et si on arrêtait de se dire que tout ça, c’est normal

Narmol, mise en scène Eugénie Pouillot © DR

Dans la salle intimiste du Théâtre de l’Opprimé, devant une grille qui scinde le plateau en deux, Océane et Maëva sont jugées pour l’homicide involontaire de l’homme qui a violé Maëva. Alors qu’on nous dit être les jurés du procès, les deux jeunes femmes entament le récit des trajectoires qui les ont amenées ici, dans ce tribunal. La langue est brute et sans compromis. Toutes deux retracent la nécessité de la débrouille, de la sororité et surtout des rêves quand on grandit en banlieue parisienne dans des contextes familiaux difficiles. Amour, Désir, Drogue, Sexualité, Idoles, Identité, Art : comment traverser les nécessaires obsessions de l’adolescence quand on est livrées à soi-même ? On finit par se construire à part. On finit par ne plus être reconnue, voire rejetée, par les personnes qui devraient nous soutenir. Comment construire un futur quand une part de nous-mêmes est niée ?

La collision entre la parole ultra-contemporaine et argotique de jeunes adolescentes de banlieue et la richesse et l’érudition des sujets abordés est saisissante et particulièrement réussie. On s’amuse de Maëva qui « aimerait trop parler dans la vraie vie » comme Nietzsche et Artaud qu’elle admire tant. On comprend la fascination et approuve la méfiance d’Océane pour Belle du Seigneur. C’est juste et ça fonctionne.

L’impact des discours du frère de Maëva est retranscrit avec puissance par la sobriété visuelle des mots projetés au mur. Ils n’en sont que plus éclatants de violence. On aurait envie de davantage de pareils moments. On aimerait une plus grande confiance donnée à l’imaginaire des spectateur·ices.

Le spectacle fourmille de belles idées de mise en scène portées par des comédiennes dont on reconnaît les grandes qualités d’interprétation – vivacité, corps, présence, justesse – mais qui s’empêtrent dans des transitions encore trop hésitantes et qui coupent la fluidité du spectacle. Le doublage et la vidéo hommage de Thelma et Louise, les bulles de savon dans la baignoire gonflable rose, Billie Eilish, les grandes ailes en carton etc. Les ingrédients du cruel et du poétique sont là et prometteurs. On aimerait également retrouver la salle du tribunal pour poursuivre la réflexion confiée aux jurés.

Loin de la victimisation assommante, la pièce porte un espoir, toujours caché quelque part, lumineux. La confrontation entre le rêve et le réel de ces jeunes femmes est riche de réflexion sur nos choix de société et d’ouverture aux autres.

La relation entre les deux amies gagne en vivant et complicité au fur et à mesure du spectacle. Il suffit de peu pour que nous plongions totalement.

Ce n’était que la première. Affaire à suivre…

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Narmol, mise en scène Eugénie Pouillot © Théâtre de l’Opprimé

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Narmol, mise en scène Eugénie Pouillot Affiche © DR

Informations pratiques

NARMOL Création 2023 – Compagnie a la Brasse

Auteur(s)
Solenn Denis

Mise en scène
Eugénie Pouillot

Interprétation
Marie Lou Nessi, Ella Grizard El Khoury, Eugénie Pouillot

Collaboration scénographique Nathalie Pouillot
Lumières Bilal Dufrou

Dates
Du 15 au 19 novembre 2023 au Théâtre de l’Opprimé, Paris

Durée
1h10

Adresse
Théâtre de l’Opprimé
80, rue du Charolais
75012 Paris

Informations complémentaires

Théâtre de l’Opprimé
www.theatredelopprime.com/