Article de Justine Uro
Huis clos réunissant l’ici et l’au-delà
Ce qui se joue sous nos yeux est tiré d’une histoire vraie qui a attisé nombre de commentaires et passionne les foules depuis une cinquantaine d’années. En 1956, Ted Hughes rencontre Sylvia Plath. Tous deux sont de brillants poètes, lui anglais, elle américaine. Ils se marient la même année. Célèbres, beaux et reconnus, ils forment durant sept ans un couple qui deviendra emblématique. En 1963, un an après leur rupture, Sylvia se suicide, asphyxiée au gaz, la tête dans le four. Ted sera accusé d’être la cause de ce suicide. Assia Wevill, la maîtresse de Ted durant sa relation avec Sylvia, devient ensuite sa compagne. En 1969, soit six ans après le suicide de Sylvia, elle se tue de la même façon, emportant avec elle sa fille de quatre ans.
© Gaël Ascal
La proposition Never, never, never, met en scène une nuit pendant laquelle Ted dialogue avec ces deux mortes qui reviennent le hanter. D’abord Sylvia, puis Assia, puis les deux en même temps. Elles échangent entre elles aussi, rejouant les scènes qui ont marqué leur histoire. Les souvenirs se confondent, les femmes aussi, le présent et le passé, et toujours les suicides qui ont été tellement commentés. Dans l’appartement londonien qui a hébergé les deux femmes, l’atmosphère est pesante, lugubre. La rencontre entre un homme meurtri et l’au-delà ne peut être douce. La souffrance transparaît chez chaque personnage.
Les lumières tamisées participent à créer cette atmosphère aux confins de deux mondes. La scénographie, sobre, faite de deux tables en bois et de quatre chaises, ne changera pas tout au long du spectacle. Les répliques sont longues, sans linéarité dans les souvenirs, faites de nombreuses redites, les moments de silence inexistants. Ces longueurs sont rompues par Tatiana Spivakova, dans le rôle d’Assia, pimpante et pleine d’énergie dans sa robe verte qui tranche avec la sobriété du cadre scénique. Les mystères sont dévoilés très tardivement, laissant au spectateur le temps de se perdre dans des lieux, dates et événements incertains.
Si le sujet est séduisant, l’atmosphère sombre réussie, la pesanteur du nombre des années et de souvenirs lointains se fait ressentir au point de traverser le temps du spectateur.
Never, never, never
Texte Dorothée Zumstein Mise en scène Marie-Christine Mazzola Avec Thibault de Montalembert, Sarah Jane Sauvegrain et Tatiana Spivakova
Scénographie, Sarah Lee Lefèvre
Composition musicale Benoît Delbecq Création lumière Pierre Gaillardot
Du 27 mars au 1er avril 2017
Théâtre-Studio
16 rue Marcelin Berthelot
94140 Alfortville
https://www.theatre-studio.com