Gestez – Autoportrait de la compagnie Hippocampe © Gilles Dantzer/Nuit du Geste/TVHBagneux/BAMG
Pour la troisième fois, la « Nuit du Geste » investit le théâtre Victor Hugo à Bagneux et marque l’ouverture de la Biennale des Arts du Mime et du Geste qui se déroule jusqu’au 19 décembre partout en France. Cet événement réunit une centaine d’artistes de tous horizons pour une programmation généreuse et pleine de surprises jusqu’au petit matin : quatre plateaux, des entractes bien remplis, une balade théâtrale proposée par le Collectif 2222, une installation de la Monstrueuse Compagnie et pour commencer et finir cette soirée la musique live de Kimmea.
La Compagnie Hippocampe ouvre le premier plateau avec une performance collective gestuelle. Elle fait suite à une démarche initiée en temps de confinement avec « Gestez chez vous !», création participative sur une idée de Luis Torreao et Esther Wahl en partenariat avec le théâtre Victor Hugo. Chacun était invité à réaliser une vidéo d’une minute environ sur une musique commune, à créer les mouvements sur deux thématiques : celle de « l’improductivité » (ennui et/ou contemplation) et celle de «la joie». L’aventure s’est poursuivie en « sortie de confinement » avec «Gestez partout ! » où des amateurs ont travaillé sur les Arts de Geste. Ce soir, onze d’entre eux présentent « Gestez – Autoportrait». Chacun s’est inspiré d’images ou d’objets donnant une variété de gestes épurés, de corps en distorsion à des allures variables qui sont autant de signatures et d’élans de vie. Avec des chaises comme unique accessoire, point d’appui ou point d’observation, le groupe formé parvient à donner du rythme dans une chorégraphie singulière qui s’ouvre peu à peu dans un moment festif accompagné par la musique jouée en live. Créer un lieu d’échanges, ouvert à tous, et fuir la morosité après ce temps d’enfermement, savourer le bonheur d’être là tout simplement, voilà une belle proposition de la Cie Hippocampe.
Barbara Mangano avait livré un solo touchant « Colors » lors de la neuvième édition de Mimesis en 2019. Durant cette Nuit du Geste, elle distille dans un triptyque ses couleurs (rouge-bleu-jaune), qui sont sa source d’inspiration. Pour commencer le rouge : il s’impose avec force dans la danse porté par le duo formé avec Marianna Cifarelli tout de rouge vêtue. L’étole souligne la silhouette de Barbara, femme soudain érigée en vierge. Elle invite au voyage en s’en recouvrant le visage ou les cheveux dans un orientalisme mystérieux et sensuel. Étendard ou vêtement d’apparat, le pouvoir des couleurs s’impose et les émotions vont croissantes. Chacune essaie de trouver sa place entre vie et mort tandis que les lumières posent des couleurs chatoyantes sur les corps en mouvement.
« LAPS » de la Compagnie Claire Heggen-Théâtre du Mouvement est un solo d’une grande sensualité où évolue la femme d’âge mûr. S’il marque cinquante ans de corps à l’ouvrage, il fait aussi apparaître d’autres facettes, celle d’un clown facétieux dont les gestes nous font sourire. De l’instantanéité, de la vitalité, de la poésie, une traversée où Claire Heggen nous livre une performance remarquable et jouissive, l’art du mime à l’état pur sans aucun artifice.
Travail chorégraphique encore avec « Subito », une proposition originale de la Cie Karine Ponties/Dame de Pic inspirée de « L’infra-ordinaire » de Georges Perec. Ares d’Angelo et Martina Martinez Barjacoba interprètent un couple en noir et blanc, masqués qui s’anime d’une gestuelle singulière et complice portés par une musicalité mécanique, animale, évolutive. Les corps s’imposent, dialoguent et vivent l’instant présent dans une gestuelle riche, loin de l’ordinaire, animés d’une énergie surprenante. Vous ne verrez plus la pause café de la même manière.
La Compagnie GLAZA nous présente quelques tableaux de leur spectacle d’après « Les Trois Soeurs » d’Anton Tchekhov. Des images poétiques et sensuelles, une narration portée par les acteurs en mouvement, du tragique au comique, les scènes sont riches, harmonieuses et maintiennent le spectateur en haleine. Une belle mise en bouche en attendant la sortie de cette création.
Gestez – Autoportrait de la Cie Hippocampe / Colors de Cie Barbara Mangano
LAPS » de la Cie Claire Heggen-Théâtre du Mouvement / Les Trois Soeurs de la Cie GLAZA
« L’Installation » de la Cie Hippocampe /Alice in the Wonderbox de la Cie Mangano-Massip
Plateau #1 © Gilles Dantzer/Nuit du Geste/TVHBagneux/BAMG
Elle arrive à pas de loup dans l’obscurité, chez vous, des officiers sont là pour donner les instructions (Cosette Dubois et Dorothée Malfoy-Noël) à la jeune femme hagard (Rachi Afsahi), de quoi s’agit-il ? De « L’Installation » de la peur ! Les avertissements fusent et oppressent, un état d’urgence souligné par la composition musicale de Kimmea, les jeux de lumière et la voix off. Cette proposition de la Compagnie Hippocampe est un travail subtile sur la corporalité. Elle fait écho chez le spectateur à ses peurs primaires et met en regard subrepticement des sujets d’actualité.
Pour clore ce premier plateau, un extrait d’« Alice in the Wonderbox » de la Cie Mangano-Massip. La création est un voyage entre réel et virtuel, de l’adolescence qui se construit en quête d’identité. Cette création 2020 est librement inspirée de l’oeuvre de Lewis Caroll. La mise en scène joue avec les espaces servie par une scénographie à la belle esthétique. Alice (Barbara Mangano) traverse le miroir/écran de son portable vers un monde à première vue idéal où surgissent avatars, prince charmant, personnages mutants qui vont bientôt se révéler inquiétants. De fausses identités, des fake news circulent et voilà l’identité brouillée, une jeunesse exposée à la violence. Réalité virtuelle, intelligence artificielle, question d’identité, cette proposition interroge sur les dangers que représente le monde virtuel. (Cf. Critique Théâtre Actu « Alice in the Wonderbox »
Le plateau #2 est constitué de sept nouvelles propositions très éclectiques et riches. Nous retrouvons Barbara Mangano pour une autre déclinaison de « Colors » avec le bleu. Celui de la mer avec une scénographie qui souligne ingénieusement son immensité. Des images sensuelles, chaleureuses et poétiques se dessinent.
Le Théâtre des Silences nous invite à l’heure du thé avec un extrait de « TEA TIME ». Les six personnages se mettent à table dans une certaine urgence, chacun veut se démarquer en en faisant toujours plus. Une proposition burlesque, rythmée et particulièrement efficace mise en scène par Gwenola Lefeuvre.
« Animondo » extrait de la Cie Mangano-Massip fait évoluer trois personnages (Sara Mangano, Pierre-Yves Massip et Barbara Mangano) sur les branches d’un arbre. Dans cet espace réduit, les corps effectuent un ballet incessant, en équilibre, et créent de multiples tableaux. La musique jouée en live souligne la présence forte de ce règne animal et accentue la dramaturgie.
Dans « Alice… Rêve », le Théâtre Diagonale nous entraîne dans un monde virtuel. Le corps en mouvement s’intègre à la vidéo et entre en résonance avec le corps sur scène d’Esther Mollo. Un parcours inédit pour celle qui rêve où l’on ressent parfois l’oppression avec des passages devenant plus inquiétants.
Colors de Cie Barbara Mangano / TEA TIME de la Cie Théâtre des Silences
Animondo de la Cie Mangano-Massip / Alice… Rêve du Théâtre Diagonale
Toi – Moi, partition de l’impossible de la Cie Fool’s Cap / ZIG ZAG de la Cie Alexandra N’Possee
Plateau #2 © Gilles Dantzer/Nuit du Geste/TVHBagneux/BAMG
« Toi – Moi, partition de l’impossible » est un projet chorégraphique de la compagnie Fool’s Cap où évoluent deux personnages tout de noir vêtu (Marianna Cifarelli et Vinicius Carvalho) qui avancent côte à côte dans la même direction. Parfois en décalage physique symbolisant la rupture, ou bien provoquant la rencontre, se positionner définit une identité, la relation au monde. Une performance maîtrisée exécutée avec application.
Le chorégraphe Abdennour Belalit nous offre une danse tendrement virile et énergique dans « ZIG ZAG ». Le duo qu’il forme avec Alexandre Sanavixay raconte une histoire de famille autour d’un banc : retrouvaille, rejet, errance solitaire. Les dialogues gestuels d’une grande intensité touchent le spectateur et l’invitent à de douces rêveries. Un beau travail de la Cie Alexandra N’Possee.
Le plateau #3 met en lumière la jeune création et nous touche par la variété et la force de ses propositions. « Frantz » est un concentré de mimes et de bruitages live réalisés avec une minutie incroyable tout au long de la narration. Ils accompagnent le jeune actif Frantz dont la vie réglée comme un métronome se trouve soudain déglinguée. La mise en scène de Marc Granier suit avec précision le destin du personnage (avec 3 bruiteurs et un narrateur). Une belle performance de la compagnie BPM portée par cinq bons comédiens.
« BOLIDES » est la première création du Collectif Bolides. Le spectacle de salle et de rue donne à voir la richesse de ce groupe et les multiples disciplines qu’ils explorent à travers des univers très différents. Théâtre, danse, musique se mêlent dans une succession de tableaux qui interrogent le groupe et la place de l’individu dans le groupe. Instantanéité, fraternité, esprit d’équipe, ils distillent le bonheur et invitent à savourer l’instant présent avec une grande humanité. Bravo à Giovanni Arnoux-Bellavitis, Thomas Bosquet, Lucas Bouissou, Léa Delmart, Nassim Faranpour, Margaux Marsollier et Jonas Thierry.
« Ze Match » est la rencontre entre deux joueurs de tennis excentriques interprétés par Lautaro Valenzuela et Simon Pierzchlewicz. Un match où tous les coups sont permis pour le meilleur et pour le rire. Une comédie physique intense, rythmée et hilarante de la Cie Laissez Fou Rêver.
Nous retrouvons Barbara Mangano pour la version jaune de « Colors ». Avec ses citrons, elle traverse la salle et c’est une plongée dans les souvenirs des saveurs de l’enfance. De la générosité et des images poétiques pour ce parcours tout en émotions.
Frantz de la compagnie BPM / BOLIDES du Collectif Bolides
Takataka-takata de la Cie Espuma / Ze Match de la Cie Laissez Fou Rêver
Le plongeon de Joachim LHomme / The great escape de Ruthie Scarpino
Plateau #3 © Gilles Dantzer/Nuit du Geste/TVHBagneux/BAMG
Le plateau #4 est un dance floor avec la musique Live de Kimmea. House, Techno Hybrid et Vidéo VJ Martin Gold accompagneront les danseurs jusqu’à l’aube.
Informations pratiques
Avec
Claire Heggen –Théâtre du Mouvement, Karine Ponties – Cie Dame de Pic, Théâtre des Silences, Collectif 2222, Théâtre Diagonale, Cie Mangano-Massip, Collectif Bolides, Les Enfants Sauvages, La Monstrueuse Compagnie, Cie Chaos solaire, les élèves de l’Ecole Internationale de Mime Corporel et de l’Ecole Hippocampe, Compagnie Glaza, Barbara Mangano…
Dates
Nuit du Geste 2021
13 novembre 2021, de 20h à l’aube
4ème BAMG – Biennale des Arts du Mime et du Geste
Du 13 novembre au 19 décembre 2021
Festival Mimesis #10
Du 1er au 4 décembre 2021
2 programmes, à IVT – International Visual Theatre à Paris
Adresse
Théâtre Victor Hugo
14, Avenue Victor Hugo,
92220 Bagneux
Informations complémentaires
Théâtre Victor Hugo – Bagneux
www.theatrevictorhugo-bagneux.fr
Collectif des Arts du Mime et du Geste
http://www.collectifartsmimegeste.com
Groupe Geste(s)
groupegeste-s.com