En ouverture de la deuxième Biennale des Arts du Mime et du Geste, une cinquantaine d’artistes investissent le Théâtre Victor Hugo de Bagneux pour « la Nuit du Geste ». Dès l’entrée, des personnages insolites, féeriques et burlesques vous accueillent dans une ambiance festive : la douce Nina enveloppée de ses ballons (Cie Platform 88), Blanche Neige empoisonnée comme sortie d’un rêve (Cie Constanza Gaglio), la pétillante Madame Flor en « Scène de ménage » (Cie Les Éléphants Roses), l’étonnant mime FPAO visage blanc et chapeau haut de forme (Francis Perin), Zia Maria, une vieille dame truculente interprétée avec brio par Elena Serra (Cie Mime de Rien) et à la musique les Djs T-T, un duo déjanté (Cie « Coïncidences ? »). De ci de là, les acteurs distillent au public venu nombreux, des « Proverbes et Impromptus d’amour » (École Hippocampe), danses et gestes sans, ou presque, la parole. Le Collectif des Arts du Mime et du Geste et le GLAM, organisateurs de la soirée souhaitent faire partager le dynamisme contemporain du mime et du théâtre gestuel. Entouré de Sara Mangano, Ivan Bacciocchi, Luis Torreão présente un programme intense et éclectique. Il rappelle que la pratique de l’école française du mime est incluse en 2017 à l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel. Doté d’un savoir-faire spécifique, cet art aux multiples facettes séduit petits et grands. Bien des surprises à découvrir dans tous les espaces du théâtre : spectacles, performances, ateliers de pratiques, vidéos, dance-floor…jusqu’au petit matin ! Quatre plateaux d’une heure environ où les artistes renommés et émergents présentent leurs créations, des formes courtes extrait de leurs pièces, des conférences et de vibrants hommages aux maîtres Étienne Decroux et Marcel Marceau. Plongez dans l’histoire de cette discipline et de drôles d’aventures, contes et mythes qui traversent le temps et laissent des images plein la tête.
Les mimes corporels explorent le monde du travail. « L’Usine » créée par Étienne Decroux en 1948 montre six comédiens, des formes noires anonymes qui se font happées par la cadence de la machine. Interprétés par les élèves de l’École Internationale de Mime Corporel Dramatique de Montreuil, ils rappellent Charlie Chaplin dans le film « Les Temps modernes ». Ivan Bacciocchi met en scène l’engagement du corps et joue aussi avec poésie « Le menuisier » et les étapes de création, une adaptation de la pièce d’Étienne Decroux de 1931. Entre Mime et Artisanat, Géraldine Moreau fait un rapprochement et propose une vision originale du geste et de sa transmission dans sa conférence : « Mime et Artisanat, les gestes du travail ». Le corps tout entier est à l’oeuvre ! Un langage universel que sublime Elena Serra dans « La Parole du silence », une conférence drôle, excentrique et un témoignage autobiographique de la femme-mime aujourd’hui. Elle porte un regard critique (Zia Maria) et tendre (la nièce débutante) sur le métier de Mime, fait résonner la parole des grands maîtres du passé et revient sur le film « Les enfants du paradis » où brille le touchant mime Baptiste incarné par Jean-Louis Barrault. Une poésie irrésistible et de la finesse, un spectacle à ne pas manquer ! Dans un autre genre, Trac (Cie La Neige est un Mystère) met en scène la chute grotesque et sans fin d’un chef d’entreprise devant ses actionnaires. Entre peur et plaisir, le clown se construit sous les traits de Guillaume Mitonneau. Avec beaucoup d’humour également, « Lucy, une Femme d’aujourd’hui… » (Cie Eléphants Roses) questionne sur la place de la femme et son évolution. Travail, famille, beauté, réussite… Florencia Avila incarne avec énergie Lucy, toujours au top ! Pour finir, la mime argentine invite le public à une pratique gestuelle des émotions. De beaux moments de partage et de rires !
Des gestes les plus simples aux postures remarquables, les acteurs gestuels observent notre quotidien avec humour et poésie. Le corps en mouvement mène la narration. Yves Marc propose un extrait de son spectacle-conférence « Ce corps qui parle », une analyse minutieuse avec des démonstrations et des instantanés pris sur le vif. Cette performance jouissive du Théâtre du Mouvement se base sur des données de neurosciences et de communication et montre à quel point le corps est une matière inépuisable et complexe. Deux compagnies bruxelloises en explorent les limites, de véritables prouesses techniques ! Dans une semi-obscurité « La peau de l’ombre » où un être et une chaise sont entremêlés. La chorégraphe Karine Pontiés (Cie Dame de Pic) use de la maladresse dans une danse fantaisiste et puissante où surgissent des états de corps singuliers. Shantala Pèpe s’étire, plonge sans retenue et se redresse inépuisable, c’est remarquable ! Tout comme les trois interprètes Loïc Faure, Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux dans « Jet Lag » (2 extraits), un théâtre physique de la Cie Chaliwaté. Entre deux aéroports, l’esprit de l’homme s’envole, il ne maîtrise ni le temps, ni ce qui peut arriver et tente d’oublier sa solitude et ses peurs. Le décalage horaire produit des effets étonnants, des situations comiques en chaîne et des équilibres audacieux. « Quelle est la bonne place ? » Sur un banc, Barbara Mangana tente de trouver la réponse en s’inspirant d’une réflexion sur la femme dans l’espace urbain. En constante recherche de notre place, notre liberté, comment trouver l’équilibre entre rêve et réalité ?
Des univers oniriques au temps suspendu où personnages, matières, objets et marionnettes alimentent l’imaginaire : « Blanche Neige empoisonnée » par la société de consommation et les nouvelles technologies, interprétée par Célia Dufournet (Cie Constanza Gaglio), « (Alice)… » du rêve à la création avec Janaina Tupan et Sébastien Loesener (Cie Platform88), « L’écume de mes pensées », l’entrée en matières de Cosette Dubois et « Le rêve du mime », hommage à Marceau par la Cie Mangano-Massip, un voyage fantastique d’une marionnette à l’effigie de Bip.
L’amour exalte les protagonistes. « Si tu n’étais de marbre… » de Luis Torreão (Cie Hippocampe) est un poème visuel, corporel et en mouvement d’une grande sensualité, inspiré par « L’Âge mûr » de Camille Claudel. Rapport du créateur à sa création et tensions dramatiques des trois interprètes. « Les Aimants » de Sara Mangano et Pierre-Yves Massip (Cie Mangano-Massip) Rencontre amoureuse ou rupture ? La force et la fragilité de deux êtres « aimants » s’expriment dans une danse de la vie étonnante et poétique. Les corps en mouvement, au centre de la dramaturgie, sont porteurs des émotions et des désirs. La présence ou l’absence de l’autre peut hanter jusqu’à l’impossible… « L’Ôtre belle » par Catherine Dubois et François Pilon (Cie Inextenso 93), une version clownesque et irrésistible de la Belle au bois dormant. Madame Flor en « Scène de ménage », extrait du spectacle « Rêverie » de Florencia Avila est une comédie de l’amour. « LOVE, pas à deux » est une performance conçue par Arianna F. Grossocordon. « There is No Alternative » (Cie Troisième Génération) histoire d’amour et de politique mise en scène par Sergi Emiliano i Griell. Assistez à un dîner imaginé en 1945, un jour comme les autres…
Et bien sûr une grande fête : « Éteignez les lumières » adaptation de la scène de l’anniversaire de Joseph Lewis dans les Collectionneurs, une quête d’identité mise en scène par Luis Torreão (Cie Hippocampe). Un quotidien où le protagoniste voit sans cesse surgir des images de lui-même. Et les Djs T-T, duo sexy et excentrique feront danser et rire le public toute la nuit. Découvrez la variété des genres, la puissance du silence, la précision des mouvements en les observant de plus près et/ou en faisant sa propre expérience durant les entractes : ateliers de mime, photomaton vidéo/gestes… Doués d’une grande technicité, les acteurs gestuels sont touchants par leur sensibilité, leurs engagements, ils portent un regard empreint d’humour et d’ironie sur notre société moderne et ses comportements. Du 14 au 17 décembre, à suivre le Festival MIMESIS de formes courtes des Arts du Mime et du Geste à l’International Visual Theatre : deux programmes, des propositions inédites, de l’inventivité et des émotions.
Informations pratiques
Avec
Théâtre du Mouvement, Cie Dame de Pic – Karine Pontiés (Belgique), Cie Mangano-Massip, Cie Mime de Rien – Elena Serra, Cie Inextenso 93, Cie Chaliwaté (Belgique), Cie Troisième Génération, Cie La neige est un mystère – Guillaume Mitonneau, Cie Les Éléphants Roses, Cie Platform 88, Cie Costanza Gaglio, Compagnie Hippocampe, LOVE.pas à deux, École Internationale de Mime Corporel Dramatique, Mime F.P.A.O – Francis Perrin et les clowns DJ T-T de la Cie Coïncidences?
Et aussi: Cosette Dubois, Camille Le Breton, Géraldine Moreau, Barbara Mangano, Suzana Thomaz, Antonio Murillo, Mattia Maggi, Arianna F. Grossocordon, Takahiro Narumi, Juan Cristobal Fernandez Budemberg, Yannick Barnole, Stéphanie Launay, École Hippocampe : Aurélie Billot, Caroline Cantidio, Marin Chouquet, Amandine Fluet, Thomas Labey, Patrick Le Blanc, Anna Maceda, Dorothée Malfoy-Noël, Xavier Pilloy, Luciana Silvestrini, Anya Shulkina, Mariame Sy, Esther Wahl, et Juliette Wierzbicki
Exposition photos de Gilles Dantzer
Dates
10 novembre 2017, de 20h30 à l’aube
Adresse
Théâtre Victor Hugo
14, Avenue Victor Hugo,
92220 Bagneux
Informations et dates de tournée
http://www.bagneux92.fr
http://www.collectifartsmimegeste.com