« OISEAU » d’Anna Nozière, Et pourquoi je ne lui parlerais pas, à mon père ?

Dans Oiseau aux Éditions Théâtrales Jeunesse, Anna Nozière bouscule les codes admis et donne aux enfants l’occasion de parler de ce qu’on leur cache pour ne pas les traumatiser.

Deux personnages : Mustapha et Paméla, et à travers eux les camarades d’école – dont la petite Françou, très importante – la maîtresse d’école, le directeur, le maître nageur et tous ces adultes bornés qui croient tout savoir. Le lieu ? bah, c’est sans doute la cour de l’école, le chemin de l’école, un coin de l’école… un de ces lieux où les enfants aiment s’agglutiner pour tenir leurs conciliabules.

Mustapha a perdu son papa, Paméla a perdu son chien bien aimé. Tous deux sont tristes, bien sûr, mais ils sont surtout révoltés. Si on tolère qu’ils soient tristes, on leur refuse le droit de rester en lien avec leurs défunts : Mustapha n’est pas allé au crématorium, sous prétexte que ce serait traumatisant pour lui. Ce n’est pas un endroit pour un enfant. On l’a donc confié à la cousine Séverine, pendant que les adultes accompagnaient le cercueil sur lequel trônait la photo du papa portant le pull rouge qu’il aimait.

Paméla, elle, c’est son chien qu’elle a perdu et si elle a beaucoup pleuré, elle n’a pas eu le droit non plus de lui donner une sépulture. Ça ne se fait pas, c’est tout. Et pourquoi ça ne se ferait pas ? c’est vrai, ça. Mon chien Calamar avait bien autant de mérites que certaines personnes dont les noms ornent les plaques de rue… et bien entendu, on ne peut faire de cadeaux ni à l’un ni à l’autre. Les morts s’en moquent des cadeaux, ils reposent en paix, qu’ils soient chiens ou humains.

Les enfants, donc, sont confrontés à l’obstination des adultes qui veulent à tout prix les tenir loin de cette réalité qu’est la disparition d’un proche. Comme ils sont mal à l’aise avec ce sujet, partagés qu’ils sont entre leur propre chagrin et l’injonction de « résilience », ils prennent des précautions imbéciles ou prononcent des paroles blessantes sans le vouloir. Pour les vivants, il y a la kermesse, pour les morts, il y a la Toussaint.

Et la petite Françou, alors ? voilà un personnage secondaire très important : la petite Françou connaît des gens qui vous font passer de l’autre côté : des Chaloubes. Ça, c’est une nouvelle ! À partir de ce moment, les enfants prennent les choses en main, au risque de passer pour des mythomanes, ils renoueront le lien d’amour qui est essentiel à la vie… et peut-être bien aussi à la mort. Les adultes, bien sûr, ne vont pas manquer de s’inquiéter et cela donne lieu à des scènes assez cocasses. Il y a aussi des réflexions qui font froid dans le dos : en France, il y a des vivants qu’on met dehors, a dit Nikita, alors les morts, c’est pas demain qu’on va les accueillir. Et le slogan : POLICE PARTOUT, NOS MORTS NULLE PART, tagué sur le mur, en évoque d’autres…

Anna Nozière nous offre ici un texte enlevé, drôle et poétique à la fois qui rend bien compte des préoccupations enfantines et du malaise des adultes.
La pièce sera créée le 11 octobre 2023 au Théâtre de la cité à Toulouse. Elle devrait connaître le succès auprès du jeune public.

Informations pratiques

Auteur(s)
Anna Nozière

Prix
8 euros

Éditions Théâtrales
www.editionstheatrales.fr