« Olympia ou la mécanique des sentiments »

 

Théâtre lyrique et uchronie steampunk 

 

Ce n’est pas tout à fait de l’opéra, ce n’est pas non plus du théâtre, ni de la comédie musicale. Comment, donc, qualifier cet ovni artistique ? S’appuyant sur le vaste héritage des genres lyriques et dramatiques, Olympia ou la Mécanique des sentiments propose une forme de « théâtre lyrique » originale, éclectique et accessible à tous les publics.

Dans le fantasme d’un XIXe siècle anglais rétro-futuriste, Othon, jeune génie-savant fou aux accents de Docteur Frankenstein, est tenu enfermé par sa mère, la froide et sévère Lady Mary. Dans sa chambre-laboratoire, il tente secrètement d’inventer une automate qui serait la femme parfaite.

Cette ambiance steampunk, à la fois sombre, poétique et décalée, ne manque pas de rappeler aussi bien les travaux de Jules Verne que ceux de Tim Burton ou encore Stéphane Berla et Mathias Malzieu dans leur film d’animation Jack et la Mécanique du Coeur. C’est dans un décor de cuivre qu’évoluent les trois chanteurs-comédiens tandis que le trio musical (violoncelle, piano et clarinette) fait surgir les sonorités du coeur d’une énorme machine qui les voile à demi. La musique, composée par Jérôme Boudin-Clauzel, est inspirée de toutes les époques, contribuant à rendre uchronique cette création dont les rythmes et les genres varient en permanence.

Balançant sans cesse du rire à l’angoisse, de l’enthousiasme au spleen, mais toujours dans une bulle de rêve, le spectacle nous donne à voir la difficulté des relations humaines entre des personnages qui, tous, portent une profonde blessure. Comment le marginal peut-il vaincre sa solitude et son manque d’affection ? Comment la mère, malgré ses airs de manipulatrice possessive, peut-elle protéger son fragile enfant ? Comment, enfin, Olympia, la jeune journaliste, peut-elle percer le secret du génial Othon et par là-même soigner sa propre blessure ? L’histoire, dont le texte est signé Vanessa Callico, a le suspens d’une enquête fantastique et les questionnements d’un conte initiatique. Dans un monde de révolution industrielle où tout est mécanisé, comment apprivoiser cette illogique « mécanique » des sentiments ? Et si « la femme » qui manque ne pouvait jamais être remplacée par superbes automates inspirées des Contes d’Hoffmann ?

On retrouve aisément, dans cette mise en scène, l’univers si particulier de William Mesguich – une intelligence au service du rêve, métissée de décalages, de drôlerie, d’émerveillement où se dessine pourtant dans l’ombre une certaine mélancolie. Le personnage d’Othon est si marqué de sa patte qu’il lui semble par moments un double sur scène: image d’un créateur passionné mû par une folie joyeuse et grave. Le contre-ténor Luc-Emmanuel Betton sert magnifiquement ce rôle sensible et original. Toujours sous tension, il compose un personnage attachant qui oscille entre l’enfant mécaniquement soumis à sa mère et le jeune homme avide de découvertes. A ses côtés, Magali Paliès, mezzo-soprano, donne des frissons à chacune des ses apparitions en Lady Mary, ce noir rapace, droite et froide comme une tour de cathédrale gothique qui absorberait toute la lumière alentour. Saluons aussi sa performance hallucinante en automate à double-visage et double-personnalité, d’une précision frappante. Enfin, la soprano Estelle Andrea est également très touchante dans le rôle de la journaliste Olympia, un personnage plus sobre dont la délicatesse complète le tableau haut en couleurs des autres protagonistes.

Une œuvre inclassable, idéale pour faire découvrir le chant lyrique aux plus jeunes, et faire voyager avec bonheur les spectateurs de tout âge.


 

Olympia ou la mécanique des sentiments 

 

mise en scène William Mesguich 

texte Vanessa Callico 

Composition musicale et Piano Jérôme Boudin-Clauzel 

avec Estelle Andrea, Luc-Emmanuel Betton et Magali Paliès 

Violoncelle Mimi Sunnerstam 

Clarinette Anne Leforestier 

avec les voix off de Yann Richard, Philippe Maymat et Blanche Escamez-Mesguich 

 

le 22 avril 

 

à la Scène Prévert
23 rue de Paris
94340 Joinville-le-Pont

 

http://www.ville-joinville-le-pont.fr/-La-Scene-Prevert-.html 

 

Ce spectacle sera présenté au Festival d’Avignon OFF 2017.