« OMBRES », un voyage au centre de l’auteure

Ombres de la Compagnie Crapaud Buffle

Forte de son expérience de manipulatrice dans divers spectacles de marionnettes, Karen Ramage s’attaque, avec Ombres, à sa première mise en scène. Le choix de la forme est d’autant plus pertinent qu’il mêle l’esthétique traditionnelle des ombres chinoises à d’autres formes de projection pour raconter l’histoire d’une enfant à la culture toute aussi hybride : d’un père cambodgien, qui apparaît surtout par son absence, et d’une mère française, engagée dans un communisme maoïste des années 70, Clara évolue comme une ombre discrète parmi les fantômes qu’on voudrait lui cacher.

À l’avant-scène, Karen Ramage alterne entre incarner et raconter cette enfant qui saisit par fragments la réalité que sa famille s’obstine à ne pas lui expliquer. À la fois astigmate et hypermétrope, Clara agit comme un symbole de l’esthétique de l’ombre projetée, où la distance à la lumière induit une certaine netteté, mais également du thème de la recherche du père, où l’on tente de se rapprocher de l’objet de sa quête tout en conservant une certaine distance critique. Clara nous raconte ainsi son enfance privée d’un père dont sa famille ne voulait pas, et son aventure à l’aube de l’âge adulte pour le retrouver, et retrouver ses origines.

Toutefois, si cette idée de départ séduit par la grande cohérence entre thème et esthétique, le spectacle surprend d’abord par la faible présence de ces ombres qui lui donne pourtant son nom. Les quelques scènes qui y ont recours creusent finalement peu dans les potentialités qu’offre la forme ; à la place, la mise en scène se livre à diverses idées d’illustration du récit qui, si elles ne sont pas toutes inintéressantes, ne vont pas très loin non plus dans le champ qu’elles explorent et finissent par nuire à la cohérence du tout.

On s’étonnera par exemple de ce que Marie-Laure Bonnin, tout en manipulant une marionnette de fakir à l’accent douteux, se coiffe d’un turban « à l’indienne », comme s’il était nécessaire de nous signifier encore plus l’orientalisme de cette scène ; une marque de néo-colonialisme qu’on retrouve également dans la projection de photos de Karen Ramage avec des groupes d’enfants cambodgiens, et qu’il s’agirait de questionner plutôt que de simplement montrer. Certaines images restent quand même en tête, comme des trésors d’enfant qui ancrent un enchantement menacé par les découvertes de Clara : la BD de la petite cambodgienne, le pantin du père aventurier, les photos qui lancent la recherche… Ombres souffre ironiquement d’un parti pris qui manque de clarté, ou d’un trop-plein d’objets qui compensent l’absence de l’objet final, toujours perdu, même retrouvé. Mais l’histoire elle-même fonctionne sur l’idée de déception. Clara, rêvant d’aventures initiatiques et de voyages spirituels, retourne finalement à son point de départ, bouclant la boucle qui situe ce voyage au centre d’elle-même.

Ombres Karen Ramage 1
Ombres Karen Ramage 2

Ombres de la Compagnie Crapaud Buffle

Informations pratiques

Texte
Karen Ramage

Mise en scène
Karen Ramage

Avec
Karen Ramage et Marie-Laure Bonnin
Dramaturgie et co-écriture Jalie Barcilon
Collaboration à la mise-en-scène Jean-Luc Vincent
Création plastique et construction marionnettes Léa Debenedetti, Marie-Laure Bonnin
et Jean-Baptiste Colin
Costumes Sonia Bosc
Son Pascal Bricard
Lumière Amanda Carriat et Nicolas Poisson

Dates
Du 17 au 19 novembre au Théâtre aux Mains Nues, Paris

Durée
55 mn

Adresse
Théâtre aux Mains Nues
45, rue du Clos
75020 Paris

Informations pratiques

Théâtre aux Mains Nues
www.theatre-aux-mains-nues.fr/Spectacle/74