« ON NE PAIE PAS ! ON NE PAIE PAS ! » de Bernard Levy transforme la rage en des rires qui décoiffent

On ne paie pas ! On ne paie pas !, mise en scène Bernard Levy © Pascale Cholette

Avec la mise en scène du texte de Dario Fo par Bernard Levy, le théâtre de la Tempête prouve encore une fois être le repère de puissants tumultes.

« Ça fait du bien ! »
« De quoi ? »
« De rire un peu ! »

Ce cri de cœur d’une spectatrice résume tout le pouvoir de la farce On ne paie pas ! On ne paie pas ! Quand tout porte à pleurer, autant que ce soit de rires que de rage. Baume de cœur, loin d’endormir les cœurs révoltés, l’hilarité ne gomme pas la puissance de cette satire sociale et politique. Bien au contraire, elle la renforce, et Bernard Levy nous y amène avec succès.

Écrite dans les années 1970 sur fond de luttes ouvrières milanaises, puis réécrite à la suite de la crise des subprimes, la pièce est criante d’actualité. Elle est un hymne joyeux, burlesque et bordélique à la révolte contre les tièdes compromis, le poids des inégalités sociales, les slaloms étourdissants entre délocalisation, chômage, faim, patriarcat et crise du logement. « Les monuments ne parlent pas » entend on à la fin de la pièce ; et pourtant, Dario Fo, du fond de sa tombe, parle et parle fort. On ne paie pas ! On ne paie pas ! est le chant vivant et intelligent des petits qui voient trop bien en dépit de leurs ventres qui hurlent contre la répression des grands aveugles et bien-pensants.

La scénographie dégringolante de Damien Caille-Perret souligne l’instabilité et la fragilité du système sur lequel la société occidentale repose. La mise en scène et la direction d’acteur·ices assemblent le rythme exigeant d’une comédie à la Feydeau et la liberté nécessaire à la subtilité de jeu incroyable des comédien·nes (penser à Chaplin ou à Benigni). Chapeaux bas à l’impertinence fine d’Anne-Élodie Sorlin, à la bonhommie puissante et bourrue d’Eddie Chignara et à la plasticité étourdissante de Jean-Philippe Salério.

La création lumières et la scénographie s’allient avec cette farce cinglante pour nous faire glisser subtilement de situations cocasses mais réalistes (des femmes en colère au supermarché qui, remontées contre une inflation injuste et insoutenable, raflent tout ce qui passe sans souci de distinction entre farine et pâté pour chiens) à un absurde irrésistible et salvateur qui reflète sans scrupules l’absurdité insidieuse des mécanismes sociaux et économiques du monde contemporain. Tout part petit à petit à vau l’eau et pour une fois, c’est jouissif! Il est alors possible de remettre en question ses propres dysfonctionnements, d’en rire, pour peut-être à son tour, faire le pas de côté nécessaire au voir, vivre et agir différemment.

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On ne paie pas ! On ne paie pas !, mise en scène Bernard Levy © Pascale Cholette

Informations pratiques

ON NE PAIE PAS ! ON NE PAIE PAS !

Auteur(s)
Dario Fo, Franca Rame
Traduction et adaptation Toni Cecchinato, Nicole Colchat

Mise en scène
Bernard Levy

Avec
Flore Babled, Elie Chapus, Eddie Chignara, Grégoire Lagrange, Jean-Philippe Salério, Anne-Élodie Sorlin

Collaboration artistique Jean-Luc Vincent
Scénographie Damien Caille-Perret
Construction décor Atelier MC2 Grenoble
Lumières Christian Pinaud
Costumes Claudia Jenatsch avec le soutien de l’atelier costumes MC2 : Grenoble
Son Jean de Almeida
Maquillage Catherine Saint-Sever
Accessoires Roberta Chiarito
Régie générale Thierry Lacroix

Adresse
Théâtre de la Tempête
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Informations complémentaires

Théâtre de la Tempête
www.la-tempete.fr