"OPEN THE OWL" Des miniatures historiques slovènes au concept Corps-Objet-Image : Renaud Herbin sublime la marionnette à travers un conte poétique

Pour ses 70 ans, le Théâtre de Ljubljana (Slovénie) a commandé une nouvelle création au marionnettiste Renaud Herbin qui s’est intéressé à l’histoire de ce théâtre et à sa riche collection de marionnettes anciennes léguées comme modèle d’étude par Milan Klemencic. Fondateur de la marionnette en Slovénie, l’artiste développa sa technique de construction tout au long de sa carrière. Les marionnettes d’une dizaine de centimètres étaient peintes et les vêtements cousus à la main. Les bras et les jambes coulées en plomb rendaient l’animation plus facile. En 1936, ces marionnettes miniatures firent leur apparition dans un conte traditionnel, «Sovji grad» (Le Château du hibou) de Franz Pocci.

Fasciné par les personnages de cette pièce, témoins silencieux d’une époque, Renaud Herbin décide de les mettre en scène dans «Open the owl». Il réalise des copies pour protéger les originaux, rangés soigneusement dans leur boîte. À sa demande, la romancière Célia Houdart prolonge le récit en un conte philosophique contemporain. «Ouvrir le hibou» comme on ouvrirait la machine à construire les illusions. Une traversée dans le temps et l’espace pour ces petits êtres d’une présence inouïe et pour le public happé dans cette aventure pleine de bouleversements et de mystères. Devant ou derrière les coulisses, des images et des métamorphoses surprenantes mêlent le théâtre d’hier et d’aujourd’hui admirablement. Créé en septembre 2017 au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières, ce spectacle est joué au TJP Strasbourg dans le cadre de la 26ème édition des « Giboulées », Biennale Internationale Corps-Objet-Image.

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©Hervé Dapremont

Sur la petite scène du castelet aux toiles peintes, le narrateur miniature annonce l’histoire du chevalier «pilleur» changé en hibou. Celui-ci veut à tout prix reprendre son apparence humaine et ses plumes lui servent de monnaie d’échange. Chaque plume arrachée correspond à un voeu exaucé. Soudain, le cadre du castelet s’élargit et laisse apparaître les corps des manipulateurs tels des géants dans ce conte fantastique. À l’instar du récit où la réalité des êtres est changeante, le décor subit d’extraordinaires transformations et la dramaturgie s’intensifie. Devenu ministre d’état, le héros sous le feu des projecteurs ruse, manipule mais jusqu’où ira l’imposture ? Comment parvient-il à donner l’illusion ?

Des petites caméras balaient l’espace habituellement caché qui s’étend maintenant en profondeur. Sur l’écran sont projetés les images des coulisses et le détail de ces petites figurines d’une beauté et d’un réalisme étonnants. Les corps et les objets alimentent la fabrique des illusions et s’inscrivent dans le nouveau concept «Corps-Objet-Image» développé par Renaud Herbin. Les comédiens Maja Kunsic et Iztok Luzar sont intégrés au processus, tour à tour protagonistes, manipulateurs, bruiteurs et techniciens. Le spectateur doit sans cesse changer son regard (petit cadre, bifrontal, écrans animés) et reste attentif, plongé en immersion. Le petit monde coloré tournoie sous les doigts de Maja Kunsic et la magie opère. Un spectacle poétique et émouvant de Renaud Herbin avec la complicité de la dramaturge slovène Mateja Bizjak Petit. À voir aux « Giboulées » du 16 au 24 mars 2018, un temps fort de la saison du TJP Strasbourg où la programmation intense montre l’étendue des arts de la Marionnette contemporaine.

Informations pratiques

Auteur(s)
Franz Pocci et Célia Houdart