Un article de Richard Magaldi-Trichet
Mulholland train…
Dans un lieu improbable présenté comme une gare désaffectée, quatre paumés attendent qu’un éventuel train s’arrête pour monter à bord et échanger leurs valises pourries contre celles bien remplies des voyageurs…Les trains passent, les bouteilles pleuvent par les fenêtres, nos quatre compères doivent se contenter d’en vider les quelques gouttes d’alcool…Ca se chamaille, ça se rabiboche dans une ambiance burlesque et étrange. Ils oublient ce qu’ils attendent, un cinquième bonhomme déboule avec des tours de magie bidons, un peu comme eux…
© Patrick Berger
Le dramaturge bulgare Hristo Boytchen, très peu adapté en France, avait écrit ce texte en 2002 avant l’adhésion de la Bulgarie à l’Union Européenne. Avec comme titre Orchestre Titanic ça sentait déjà un peu le naufrage… Il résonne dans le contexte actuel avec un écho de justesse étonnante. Les laissés pour compte du rêve européen regardent le train du progrès et de la fraternité passer en restant à quai. Et quel quai !…La métaphore était trop belle pour Philippe Lanton, metteur en scène qui s’intéresse aux littératures balkaniques, pour ne pas nous la représenter aujourd’hui.
Dans une scénographie très imagée et symbolique d’Yves Collet, les cinq comédiens – on retiendra particulièrement Christian Pageault pour son innocence simplette et émouvante- nous emportent dans leurs délires surréalistes. Si le rythme peut-être manque parfois, la dernière partie donne tout son sens à cette fable contemporaine à la fois fantaisie philosophique. Dans une atmosphère digne de David Lynch qui rappelle le présentateur méphistophélique du cinéma onirique de Mulholland Drive et son mystérieux « There is no band », les acteurs disparaissent également de la scène en se posant la question : suis-je réel ? Shakespeare leur avait déjà répondu : « C’est là la question »…
© Patrick Berger
Orchestre Titanic
De Hristo Boytchev
Traduit du bulgare par Iana-Maria Dontcheva
Mise en scène Philippe Lanton/Cie Le Cartel
Avec : Bernard Bloch, Olivier Cruveiller, Philippe Dormoy, Christian Pageault, Evelyne Pelletier
Scénographie et lumières : Yves Collet
Son : Thomas Carpentier
Costumes : Rafaëlle Bloch
Conseiller illusion : Nicolas Hédouin
Régie lumière et son : Nicolas Prospère
Du 10 janvier au 5 février 2017
Théâtre de l’Aquarium
La Cartoucherie
Route du chemin de Manœuvre
75012 Paris.