« ORPHÉE », le premier poète assassiné, parle aux hommes d’aujourd’hui dans la langue simple et magnifique de J.P. Siméon

Variations Sophocle et autres mythologies de Jean-Pierre Siméon

VARIATIONS SOPHOCLE et autres mythologies grecques 2006 – 2022 de Jean-Pierre Siméon aux éditions Solitaires Intempestifs

Le fort volume – 575 pages – comprend l’adaptation des tragédies : Philoctète, Électre, Antigone, Ajax, Déjanire ainsi que trois longs poèmes : Témoins à charge, Odyssée dernier chant, La mort n’est que la mort, si l’amour lui survit. C’est à ce dernier qu’est consacré cet article.
Il a été créé à la Comédie de Saint-Étienne, le 19 avril 2011, sous le titre Histoire d’Orphée, dans une mise en scène de Jean Claude Berutti.
Sept chants le composent : la mort d’Orphée, le secret d’Orphée, les voyages, le bonheur est terrible, au-delà de la mort, le chant retrouvé, l’éternité du poème.

On peut remarquer immédiatement que la structure n’est pas chronologique, puisqu’on commence par la mort d’Orphée. Écriture cinématographique, en somme. Pas de suspense : l’histoire d’Orphée est une tragédie. Son histoire se déroulera comme un flash-back. La mort du poète est donc une sorte de prologue au récit. Cependant, le texte va au-delà de la mort du héros pour déboucher sur plus grand que la vie même : l’éternité du poème.

La mort d’Orphée, c’est le déchaînement des Bacchantes : des femmes fauves vêtues de peaux de loups, les mamelles nues, peintes du sang du sacrifice, des yeux de feu, l’écume aux lèvres… la scène est violente, crue, sans explications. Un homme chante et on le tue pour cela; les Grecs ont tout inventé, ou plutôt tout décrit. Orphée est peut-être le premier, beaucoup d’autres suivront.
Dans les chants suivants, vient donc l’histoire de cet être prodigieux, dont la généalogie comprend Calliope, la muse musicienne et Dionysos, le dieu ivre : Orphée enfant du pays premier qui est à tous le pays natal. Ainsi est posé le caractère profondément humain et universel du poète à la lyre. Remarquable le fait qu’il est entouré de compagnons qu’en d’autres temps on appellera des apôtres. Orphée fascine les hommes, il fascinera aussi les cerbères de tous poils, Charon le passeur et même Hadès, l’inexorable Zeus des enfers qui lui permettra de ramener Eurydice à condition, on le sait, de ne pas se retourner…

La puissance de ce chant d’amour est telle qu’elle brisa l’ordre immuable des enfers. Le rocher de Sisyphe se fit léger comme paille, Tantale l’assoiffé put boire à la source fraîche, la roue d’Ixion arrêta sa rotation atroce… Orphée n’avait pas peur. Mais il se retourne et perd Eurydice une seconde fois. Il souhaite mourir, mais il finit par retrouver le chant et reprend ses pérégrinations, suivi de ses disciples. Mais Orphée n’est pas qu’un poète musicien; il est aussi plein de miséricorde. Il interrompt un sacrifice humain rituel et c’est cela qui lui vaudra d’être déchiré par les Bacchantes.

Beaucoup ont vu dans cette figure une préfiguration du Christ, Dieu le père en moins. Mais la fin du texte n’ouvre pas sur une religion, fût-elle de l’amour. Apollon, le dieu songeur des merveilles, ramassa la lyre aux neuf cordes, il la lança au plus haut du ciel pour qu’elle brille à jamais dans la mémoire des hommes et que dans la grande nuit du monde, où tout naquit, où tout retourne, demeure au-delà des dieux et des hommes, ce qui fut le meilleur de l’aventure humaine : La beauté du chant.
On ne saurait mieux dire !

Informations pratiques

Auteur(s)
Jean-Pierre Siméon

Prix
21 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com