Orphelins du collectif La Cohue © Virginie Meigne
Quelque chose se fête, le plateau a disparu. Les sièges des spectateurices ont été disposés autour en trifrontal. Nous ne savons pas l’objet de l’évènement mais nous avons visiblement été convié·es. La décoration est assez sommaire. À vrai dire, il n’y a pas vraiment de décoration : une table en formica, deux chaises, une bouteille de vin entamée, des verres et couverts modestes, un micro-onde, une boîte de café, un ou deux jouets d’enfant. Des tracts sont sur nos chaises : papier recyclé, des visages souriants, ‘Vapeur en fête’. Ça n’a pas l’air d’être des invitations pour l’évènement de ce soir. Mais s’il n’y a pas de décoration, c’est qu’il n’y a pas de fête, si ? Et pourtant les quatre hôtes trinquent et une des deux femmes a mis des paillettes. On nous regarde dans les yeux, le sourire aux lèvres, mais il y a comme … une gêne. Qu’est-ce qui se trame ?
Quatre hôtes ? Étrange… il y a trois personnages dans Orphelins. Qui est cette quatrième personne ? ça commence. Deux personnes restent : Danny et Helen. Ils fêtent leur premier soir en tête à tête depuis longtemps. Le troisième personnage s’est décalé en arrière-scène. Le personnage est sorti de l’appartement mais l’acteur regarde le couple. Et la quatrième personne était donc la régisseuse du spectacle. Pas de régie hors plateau. Les lumières y sont éteintes. Tout est géré en direct au plateau. La régisseuse lit les didascalies. Nous apprenons qu’il s’agit d’un couple habitant une ville populaire anglaise. Les personnages, l’oreille en alerte, intègrent et suivent les indications des didascalies. Comme s’ils étaient dirigés par un·e metteur·e en scène. Cette distanciation – rappels réguliers qu’il s’agit de théâtre – permet à une mise en scène réaliste et à un jeu sincère d’être percutants sans être écrasants. Si vous ne connaissez pas les pièces et scénarios de Dennis Kelly, l’humain y est souvent exploré dans sa monstruosité avec profondeur et sans vernis. Le texte est bourré d’humour et nous sentons que nous avons le droit de rire. L’artifice théâtral visibilisé nous y autorise. Après tout, c’est affreux … mais ce n’est qu’une histoire. Du moins pour ce soir. Car il n’y a pas de doute possible ; il s’agit d’un portrait contemporain malheureusement trop réel.
Les quatre artistes sont époustouflants et pleinement engagés du début jusqu’à la fin. Pas de coulisses où souffler. Des pauses entre chaque partie de la pièce mais qui ne sont que des représentations de pauses elles aussi. Iels ne sont pas que conscient·es de notre présence, iels nous prennent à témoin, n’hésitant pas à plonger leur regard dans le nôtre pour partager ce qu’iels vivent. L’interprétation est extrêmement juste, sur un fil tendu entre vivre la situation et accepter de n’être que des passeurs d’histoire. Mention spéciale pour Martin Legros – les trois interprètes sont magnifiques – qui incarne Liam avec une justesse bouleversante. Le genre de spectacle qui sait allier émotions fortes et réflexion sociale. Bravo.
La pièce Orphelins de Dennis Kelly (traduction de Philippe Le Moine) est publiée et représentée par L’Arche Éditeur et agence théâtrale (www.arche-editeur.com).
Orphelins du collectif La Cohue © Virginie Meigne
Informations pratiques
ORPHELINS Création du collectif La Cohue
Texte
Dennis Kelly
Traduction Philippe Le Moine et Patrick Lerch aux éditions L’Arche Éditeur
Mise en scène
Martin Legros & Sophie Lebrun
Avec
Julien Girard, Sophie Lebrun ou Céline Ohrel (en alternance), Martin Legros, Loreleï Vauclin
Régie générale Nicolas Tritschler
Dates
Du 2 au 28 décembre 2023 au Théâtre de Belleville, Paris
Lundi 19h, mardi 21h15, dimanche 17h30 & les mardi 26, mercredi 27 & Jeu. 28 décembre à 19h
Relâches les 24 & 25 décembre 2023
Durée
1h25
Adresse
Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris
Informations pratiques
Théâtre de Belleville à Paris
www.theatredebelleville.com
Collectif La Cohue
collectifcohue.fr
