Rentrer dans les méandres du dernier espace de liberté totale prétendu, cela peut vite donner le vertige. C’est un peu ce qui arrive au collectif OS’O dans leur dernière création. Le collectif d’auteurs et autrices Traverse, qui a assuré l’écriture du spectacle, livre une succession de saynètes seulement liées entre elles par une présence plus ou moins importante de ce que l’on appelle le deep web. L’ennui de cette succession d’histoires réside dans leur brièveté. Le spectacle ne donne à l’audience ni le temps ni les respirations nécessaires à l’attachement aux personnages. Les différents récits tournent trop vite autour des acteurs et Pavillon Noir se perd un peu en longueur entre les différents messages abordés. Bien que le but des collectifs OS’O et Traverse ne soit pas nécessairement d’apporter des réponses à ce que devrait être ou ce à quoi devrait être utilisé cet espace de liberté numérique, ils créent un mysticisme grandiloquent autour de la figure du hacker, du programmeur, et du deep web en général. Ce manque de concret autour de ce sujet contribue à le rendre encore plus obscur qu’il ne l’est déjà pour un spectateur non averti.
Malgré ces écueils, Pavillon Noir parvient à soulever justement plusieurs interrogations quant à l’utilisation de cet espace libre pour la surveillance de la population, voire le contrôle ou la suppression de certaines libertés individuelles. En s’étant mis la contrainte de n’utiliser aucune technologie particulière, les comédiens parviennent avec un langage inventif et parfois très poétique à raconter certains pans obscurs du monde cybernétique. Un combat contre les métadonnées, l’infection d’un antivirus ou encore le hacking de données personnelles via un site de rencontre jouées au plateau, ainsi que des vidéos YouTube, intelligemment représentées, le tout finalement sublimé par un poème de lignes de code à la fois vocal et corporel. Tant d’exemples permettent ensemble d’amener le spectateur au point de rencontre entre son monde physique et le monde numérique qui l’entoure. La scénographie est traitée avec une subtilité remarquable et favorise cette fusion tant elle est simple et parlante à la fois.
Les collectifs OS’O et Traverse livrent finalement un spectacle au sujet passionnant, en y mêlant finesse, humour, gravité, inventivité et poésie. Dommage qu’ils abordent tant de sujets. Des sujets si fleuves que les attentats de Paris et l’état d’urgence, ou Khartabil, le régime Al-Assad et la situation en Syrie, ou encore la vente de drogue et Ross Ulbricht, qui pourraient chacun faire l’objet d’un spectacle en eux-mêmes, sont survolés et atteignent le spectateur beaucoup moins qu’ils ne le pourraient. Le spectacle en devient long, car il est trop court pour tout ce qu’il cherche à dire.
Informations pratiques
Auteur(s)
Collectif Traverse : Adrien Cornaggia, Riad Gahmi, Kevin Keiss, Julie Ménard, Pauline Peyrade, Pauline Ribat et Yann Verburgh
Mise en scène
Collectif OS’O
Avec
Jérémy Barbier d’Hiver, Moustafa Benaïbout, Roxanne Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Marion Lambert et Tom Linton
Dates
Du 8 au 19 janvier 2019
Durée
2h15
Adresse
Le CENT-QUATRE
5 rue Curial 75019 Paris
Informations complémentaires