« PEINES MINEURES » de Sonia Chiambretto, du prix de la souffrance à la rage de vivre

Peines mineures de Sonia Chiambretto chez l’Arche Éditeur, Collection des Écrits pour la parole. Janvier 2023

Sonia Chiambretto est poétesse, dramaturge et écrivain. Sa spécificité, l’écriture inventive et expérimentale pour la scène, le cinéma, la littérature. Elle travaille aux frontières des formes et des genres, pour faire entendre les modes d’oppression dans le monde, les révéler sous plusieurs axes, à voix multiples. Son objet ”les langues françaises étrangères”.

Peines mineures est un texte choral, écrit dans un langage oral, qui nous plonge dans l’univers d’un centre éducatif fermé, pour adolescentes. Les Centres éducatifs fermés (CEF) ont été créé en 2002, ce sont des structures alternatives pour jeunes non majeurs ayant commis des actes délictueux ou criminels. Ce texte est né d’une version scénique, intitulée Mauvaises filles ! par Sandrine Lanno en mars avril 2023, au Théâtre du Rond-Point, à l’initiative de L’Indicible Compagnie.

Tout commence par la découverte de ces sept jeunes filles, par elles-mêmes, dans leur langage. On entre littéralement dans leur monde : ce qu’elles vivent, pensent et ressentent. Nous découvrons : Sara 15 ans et demi, Vanessa 14 ans, Awa 16 ans, Sakina 15 ans, Billie 13 ans, Cindy 15 ans et Dakota 13 ans et demi. Ces sept jeunes filles vont se retrouver dans le même centre éducatif fermé. La réalité du centre s’ouvre à elles par un inventaire à la Prévert de leurs affaires personnelles, confisquées : porte-monnaie à paillettes, scoubidou fluo, miroir de poche vert, trois sachets de mayonnaise McDo, etc. Comment vont-elles s’adapter à cette vie contrainte, sous surveillance permanente des encadrants et des écrans de vidéo-surveillance ?

Qu’est-ce qui peut conduire des jeunes à une mesure de contrôle judiciaire à ce moment transitoire de l’adolescence ? La lecture nous met en quête de leur parcours et devenir. Un parcours de souffrance, dont elles ont à peine conscience. Elles semblent comme débordées par la souffrance et encore dans l’enfance, sans conscience pleine de leurs agissements et comportements, traduction externe de leur angoisse, projetée de ce qu’elles ont enduré. Qu’en disent-elles ? Comment vivent-elles l’annonce de la détention et le centre ? Nous plongeons dans leur tête avec la voix intérieure de chacune. Nous entrons également dans la vie du centre grâce à leurs voix que le texte fait entendre et grâce aux dialogues et monologues qui traversent les murs du centre et permettent à ces jeunes de communiquer entre elles. Nous entendons les paroles des encadrants et découvrons le cahier d’écrou. À la violence qu’elles ont subie se rajoute la violence de l’enfermement et de la surveillance. Une violence institutionnelle, comme une tutelle, pour les contenir, les protéger d’elles-mêmes. Comme le dit Sara : « J’ai fait la violence, je paye pour ma violence ». Mais ne sont-elles pas victimes d’une violence antérieure à leur propre violence ? Un parallèle est opéré avec un retour dans le temps, en 1957 dans un internat catholique de jeunes filles enfermées où la répression semble similaire. Les prières remplacent les cigarettes, même discipline et contrôle.

Comment être libre quand on naît fille ? Que subit-on en tant que fille quelle que soit l’époque ?

Ces jeunes filles du Centre Éducatif Fermé continuent, elles, de rêver, de se parler à travers les murs épais, se désintoxiquent par la force des choses et tentent de se construire un projet, porte de sortie du centre. Porte vers une liberté, une libération potentielle.

Informations pratiques

Auteur(s)
Sonia Chiambretto

Prix
14,50 euros

L’Arche Éditeur
www.arche-editeur.com

L’Indicible Compagnie
www.lindiciblecompagnie.fr