« PHILOCTÈTE » de Sophocle et dans « VARIATIONS SOPHOCLE » de Jean-Pierre Siméon, les grands récits antiques ont la vie dure

Philoctète dans Variations Sophocle et autres mythologiques grecques de Jean-Pierre Siméon aux éditions Solitaires Intempestifs.
Philoctète dans Tragédies complètes 2 de Sophocle: nouvelle traduction par Irène Bonnaud.

Moins connu qu’Électre ou Œdipe, Philoctète paraît aux Solitaires Intempestifs sous deux versions. Une traduction et une adaptation. Il est donc intéressant de comparer les démarches. Le texte Jean-Pierre Siméon a été monté à l’Odéon en 2009 dans une mise en scène de Christian Schiaretti, avec le regretté Laurent Terzieff.

L’histoire se déroule pendant la Guerre de Troie et met en scène, outre Philoctète, Néoptolème et Ulysse. Il s’agit ici du conflit entre les nécessités de la guerre et la parole donnée, le tout inséré dans les prédictions divines. Tous ces personnages sont des gens de haute lignée dont Sophocle rappelle à tout moment la filiation.

Philoctète, mordu au pied par une vipère et victime d’une gangrène malodorante, a donc été abandonné sur une île désertique par Ulysse qui avait promis de le ramener chez lui. L’ennui, c’est que Troie doit être vaincue par l’arc et les flèches confiés à Philoctète par Héraclès. Il est donc impératif de faire en sorte que le banni-trahi revienne au sein de l’armée grecque qu’il abhorre. Ulysse a chargé le jeune Néoptolème, fils d’Achille, de persuader Philoctète en lui mentant. On assiste donc à l’opération de séduction qui fait que Philoctète confie son arc à Néoptolème, puis comprend qu’il va être à nouveau trahi sur ordre d’Ulysse. Le jeune homme, toutefois, est trop droit pour aller au bout d’une telle trahison. C’est l’intervention d’Héraclès en personne qui permettra le dénouement. Car, les dieux ont décidé que Troie devait tomber. Philoctète ira donc à Troie, mais seulement pour servir les dieux.

Ce qui est intéressant, dans cette pièce, c’est qu’Ulysse y est présenté, non comme un homme intelligent, mais comme le pire des fourbes. On peut dire qu’il en prend pour son grade, le fils de Laërte. À chaque page, les qualificatifs désobligeants pleuvent chaque fois que son nom est évoqué. Et quand il est amené à prendre la parole, c’est pour confirmer qu’il est bien un fourbe, un menteur et un traître, tout juste digne de servir la race maudite des Atrides.

Puisqu’elles racontent strictement la même histoire, quelle différence entre les deux versions ? Siméon fait l’économie des Kommos, sortes de commentaires dialogués. En revanche, lui qui est poète, a une langue magnifique, simple en apparence et touchante. La traduction, elle, utilise un langage parlé « Bouche cousue, mon enfant » « ces crapules d’Atrides » « Quand je me suis pris ça dans les dents » … ou encore : « c’est clair, crois-le si tu veux, ils prospèrent dans l’armée des Grecs ». La traductrice n’y va pas de main morte, pour parler comme elle ! L’ennui, c’est que cela ne rend la pièce ni plus compréhensible ni plus proche de nous, alors que Siméon manie le verbe avec dextérité et rend le récit fluide et convaincant.

Tragedies-completes-2

Informations pratiques

Auteur(s)
Jean-Pierre Siméon (Variations Sophocle)
Sophocle (Tragédies complètes 2)

Prix
21 euros

Éditions Les Solitaires Intempestifs
www.solitairesintempestifs.com