« LA PLACE DU CHIEN »  Cave canem ! 

Sylvain, musicien conglais, s’installe chez Karine, une caissière française vivant avec son labrador nommé Shere Khan, avec lequel elle entretient une relation extrêmement affectueuse. Explorant la complexité du monde actuel, la pièce jette un regard à la fois direct et métaphorique sur le quotidien d’un ménage atypique, au coeur de la société contemporaine.

Ne vous y trompez pas : malgré son sous-titre de « sitcom canin et postcolonial », cette pièce signée Marie Bachelot Nguyen est loin d’être si légère qu’elle n’y paraît. Au contraire même, elle soulève, avec une grande subtilité, bien des interrogations et des malaises. Sur fond d’humour, ce drame mordant explore des sujets aussi divers que la condition animale, l’immigration, les traditions et cultures, les relations (amoureuses, sexuelles, sociales, ou de domination), la liberté… La visée politique est affirmée, mais ingénieusement transfigurée par le prisme de la métaphore et de la fiction, qui offre une puissance réflexive bien plus grande qu’un simple documentaire multi-thème. La question de l’exploitation est omniprésente : dans un monde où chacun cherche sa place, le chien n’est pas forcément celui qu’on pense…

Sur un rythme effréné, par moments légèrement excessif, métissé de rupture agiles (et terrifiantes, à l’instar de ces inimaginables chansons coloniales de l’entre-deux guerres), le trio de comédiens déploie une énergie monumentale qui vous saisit dès les premières secondes. Lamine Diarra et Flora Diguet forment un couple à la fois attachant, rafraîchissant et émouvant, fort d’une belle complicité. Mais c’est certainement Yoan Charles qui livre la performance la plus époustouflante : une heure et demie durant, il n’imite pas un labrador, mais l’incarne avec une vivacité hors du commun. Jamais l’on n’a vu d’homme si canin – et en même temps caninement humain. Ajoutez à cela la scénographie astucieuse et colorée, et vous obtenez un cocktail détonnant d’originalité.

Incisif, mordant, racé, qui a du chien, on pourrait enchaîner les jeux de mots pour définir positivement un tel spectacle. Disons plutôt qu’il nous rappelle joyeusement avec combien d’élégance et d’efficacité un filtre fictionnel, au théâtre, peut transmettre de l’intelligence et inviter à la réflexion. « La place du chien, c’est de mordre ».

Informations pratiques

Auteur(s)
Marine Bachelot Nguyen

Mise en scène
Marine Bachelot Nguyen

Avec
Yoan Charles, Lamine Diarra, Flora Diguet

Dates
Du 7 au 23 juillet 2017

Durée
1h30

Adresse
Nouveau Ring
Impasse Trial,
84000 Avignon

www.lenouveauring.fr