La 9ème édition du festival Chantiers d’Europe s’ouvre ce 14 mai à l’Espace Pierre Cardin. Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville et son équipe programment deux semaines intenses pour découvrir de jeunes talents venus du Portugal, d’Espagne, d’Italie, de Grèce et d’Allemagne. Théâtre, danse, performances, musique, autant de formes et de voix vibrantes et métissées témoignent de la réalité, des espoirs, d’une certaine forme de résistance de ces citoyens et artistes européens. Explorer en profondeur, s’ouvrir à d’autres univers, ce sont des voyages étonnants, engagés et drôles. Afin de célébrer les 20 ans d’amitié entre Lisbonne et Paris, le Théâtre de la Ville met à l’honneur la création contemporaine portugaise. Depuis 2013, en étroite collaboration avec la Municipalité de Lisbonne et le Théâtre São Luiz, des metteurs en scènes, chorégraphes, musiciens et comédiens émergents ou reconnus sont invités à ce rendez-vous unique de partage artistique.
© Maria Joana Figueiredo
André Amálio se livre à une véritable performance dans son spectacle « Portugal não é um país pequeno » (Le Portugal n’est pas un petit pays). Le théâtre documentaire de la compagnie Hotel Europa lève le voile sur un pan de l’histoire du pays : le plus long Empire colonial européen (500 ans) et un demi-siècle de dictature salazariste qui ont poussé plus d’un million de Portugais à l’exil entre 1960 et 1974. La Révolution des Oeillets marqua la fin du régime autoritaire et de la colonisation en Afrique mais quarante ans après, quels sont les impacts sur ceux qui ont fui la misère du pays vers un soi-disant paradis colonial où la guerre les a vite rattrapés ? Que conservent-ils de ces années ? Comment se sont-ils construits alors qu’ils ont fait partie de l’exode de réfugiés venus d’Afrique entre 1975-78, devenant étrangers dans leur propre pays ? Ces anciens colons nommés dès lors « retornados » ont subi des guerres d’indépendance longues et sanglantes, dès mars 1961 en Angola avec une attaque terroriste, puis en Guinée et au Mozambique. Si l’Estado Novo (État Nouveau) de Salazar et sa redoutable police politique – la PIDE ont contraint la société au silence, l’atrocité des conflits d’« Outre-mer» (Ultramar) ravagea soldats et familles. Dans ce contexte, ce sont des générations entières touchées et un passé douloureux tombé dans l’oubli. En effectuant son doctorat à Londres, le comédien et metteur en scène André Amálio a été confronté à des questions sur l’histoire coloniale de son pays. Certes ses parents lui ont parlé de leur vie de célibataires au Mozambique mais pas de la colonisation ! Né au Portugal dans les années 80, l’artiste a voulu approfondir ce thème et en a fait le sujet de sa thèse. Histoires réelles ou héritées et transmissions, il s’appuie sur un long travail d’investigations pour l’écriture du texte : entretiens, images d’archives et histoire personnelle se mêlent.
Ce premier volet d’un cycle sur la fin du colonialisme portugais va à la rencontre des mémoires vives à travers les témoignages poignants des « retornados » recueillis dans l’intimité de leur foyer (vingt-trois personnes, soient 30h d’enregistrements). De la banalité du quotidien aux récits du passé occulté, André Amálio en extrait l’essence et « réécrit » l’histoire coloniale bien loin de celle des manuels scolaires. La mise en scène favorise le jeu et ouvre plusieurs angles de vue tant aux niveaux politique, artistique et social qu’à l’échelle humaine. La richesse des références et l’intégration de scènes de vie assurent un réalisme déconcertant. Avec un procédé Verbatim casque sur la tête, le comédien donne la voix à ces hommes et à ces femmes en calquant fidèlement leurs mots. Grave et alarmiste face aux événements dramatiques, l’homme garde humour et légèreté en contant quelques anecdotes, en chantant et en partageant les us et coutumes locales avec son fidèle complice Pedro Salvador tour à tour technicien maladroit, journaliste, partenaire de jeux et musicien. Le public est intégré à la performance et se laisse porter par le jeu énergique des comédiens et leur univers. De souvenirs en expériences, vous ne tarderez pas à entrer dans la danse. L’attention est maintenue par la multitude d’actions et d’effets de surprise dans les procédés de diffusions (écrans, i-phone, films, mises en situation, …) et la scénographie où l’espace évolue à l’envi et soutient la narration. La compagnie Hotel Europa nous emporte dans un voyage inédit et drôle à travers le temps, les cultures et les générations. Est-ce vraiment la fin du colonialisme portugais? Poursuivez l’exploration avec les deux autres créations de cette trilogie : « Passa-Porte » et « Libertação ».
Informations pratiques
Conception et Performance
André Amálio
Assistance à la mise en scène et chorégraphie
Tereza Havlíčková
Avec
André Amálio
Création musicale et interprétation
Pedro Salvador
Dates
14 et 15 mai 2018
Chantiers d’Europe 2018 – 9ème édition
du 14 au 30 mai 2018
Durée
1h30
Adresse
Théâtre de la Ville – Espace Pierre Cardin/Studio
1, Avenue Gabriel
75008 Paris
CHANTIERS D’EUROPE 2018 – 9ème édition
3 lieux : Espace Pierre Cardin / Théâtre des Abbesses /Institut culturel italien
Informations complémentaires
Compagnie Hotel Europa:
http://www.hoteleuropatheatre.com/
Chantiers d’Europe 2018:
http://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2017-2018/chantiers-deurope