Article de Pierre-Alexandre Culo
Ça se chauffe dans les vestiaires.
Ça s’embrase sur le plateau du Théâtre du Rond-Point. De ces corps sculptés par l’effort et la tentation, au sol brûlant sous des gestes frénétiques, cet incendie de désir affole une hilarante joute sexuelle. Une guerre provocante entre deux coqs qui pour palier la difficulté de s’embrasser, se fustigent dans un bal de coups et d’incitations libidineuses. Ce Teatro físico épate par cette confrontation jouissive entre sa fraîcheur divertissante et les exploits techniques des deux danseurs argentins.
© Alejandro Ferrer
Créé en 2008, ce duo est né d’un numéro présenté au sein d’un lieu alternatif de Buenos Aires Le Laburatorio. Malgré son écriture millimétrée, la pièce montée par Hermes Gaido à la demande des deux interprètes, va conserver l’insolence et le plaisir explosif de l’improvisation. La frontière s’effrite ne laissant sentir que les multiples plaisirs de cet affrontement de séduction. Stéréotype du sportif hétérosexuel, viril, à l’assurance et la fierté musclée, les deux hommes vont se tourner autour d’un casier en acier, d’un banc où suintent les odeurs de chaussettes et de shorts souillés. La démonstration de la force physique va se contaminer en ondulation des corps où les codes de genres et d’aptitudes physiques vont se confondre. Les danseurs allient des formes artistiques diverses où vont se côtoyer l’acrobatie, la danse et le mime. Les techniques mutent sous l’influence du désir. Les coups se métamorphosent en étreintes et virevoltent dans une danse d’influence et de domination. Un sadomasochisme aux couleurs d’Almodovar, parfois kitsch, drôle et décapant.
© Alejandro Ferrer
On se jauge. Les muscles grossissent comme un animal voulant impressionner son adversaire. Et pourtant cette explosion de testostérone se dévoilera dans d’impressionnantes improvisations aux influences de Voguing. Ce mouvement des années 70 où la communauté transsexuelle afro et latino américaine s’affronte par le biais d’une danse urbaine caractérisée par la succession brève de poses mannequins. Un poyo rojo se joue de l’imaginaire collectif des vestiaires de sport pour révéler avec humour les possibles influences du désir sur le corps hétéro-normé.
Les relations entre les deux hommes se meuvent selon les stations radiophoniques changées en direct laissant une part libre à l’improvisation. Et quel plaisir de laisser sa chance à l’inattendu quand le hasard ironise, en faisant jouer ce baiser final sur « Mon alter-ego » de Jean-Louis Aubert.
Un poyo rojo
Mise en scène Hermes Gaido
Avec Alfonso Barón, Luciano Rosso
Chorégraphie Luciano Rosso, Nicolas Poggi
Lumières Hermes Gaido
Du 13 septembre au 8 octobre 2016
Théâtre du Rond-Point
2bis Av. Franklin Roosevelt
75008 Paris
http://www.theatredurondpoint.fr