« PRESQU’ILLES » Cabaret sur la féminisation de la langue française

Au Théâtre de la Reine Blanche, les comédiens de la compagnie M42 invitent les spectateurs à un cabaret festif et musical. Pour sa nouvelle création Presqu’illes, la metteuse en scène Louise Dudeck a choisi une forme originale pour faire résonner le texte puissant de Sarah Pèpe sur un sujet délicat : la féminisation de la langue française, le matrimoine et les résistances qui ne sont pas sans conséquences sur la construction de notre société. Soizic Martin mène tambour battant cette belle équipée de comédiens qui déploient une ribambelle de personnages attachants, drôles ou pugnaces. Des témoignages authentiques, des paroles percutantes d’hier et d’aujourd’hui s’élèvent à l’unisson pour défendre ces territoires du langage précieux et sensibiliser au rôle que chacun a à jouer. Cette proposition intéressante met en valeur la création féminine, son histoire, son actualité et amène la réflexion sur la place de la femme dans la société.

Le débat est lancé à partir du mot « autrice », qui à peine lâché par celle qui se revendique comme telle, déclenche de violentes réactions. Si la musique adoucit les mœurs, elle crée ici un moment de partage avec le public et propose une traversée étonnante où des hommes et des femmes d’hier et d’aujourd’hui étayent le propos en apportant leurs points de vue.
Derrière le rideau de fils à paillettes argenté, surgissent des figures célèbres de l’Histoire qui s’affrontent, défendent leurs convictions avec ferveur contre une sempiternelle résistance à la féminisation de la langue. De Marie-Louise Gagneur qui souhaite faire évoluer la langue au 19ème siècle et se heurte aux Immortels; Claude Lévy-Strauss, Yvette Roudy, ministre des droits des femmes face aux Académiciens à Virginie Despentes qui interroge la position masculine et bien d’autres partisans ou détracteurs s’affrontent. Une sorte de tribunal s’installe autour de ce sujet épineux et complexe, qui semble personnifié tant il est présent dans le récit contrairement à l’oubli et l’invisibilité dans laquelle a été plongée la création féminine pendant des années. Les chiffres aujourd’hui sont encore alarmants : au 20ème siècle, on compte 1 500 autrices mais seules 5 sont entrées à la Comédie Française de 1900 à 1948 et aucune de 1948 à 2002 !

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© Heidi Folliet

Il faut rester attentif pour ne pas perdre une miette de ces successions de tableaux et situations jalonnant à l’envi l’Histoire. Les comédiens passent d’un rôle à l’autre par de menus accessoires et indications, en gardant toujours le cap. Et la chanson n’est pas en reste avec les interprétations sensibles de Clémence Laboureau et Soizic Martin : de la chanteuse Lesley Gore avec « You Don’t own me » (tu ne possèdes pas) écrit en 1963 à « Debout les femmes » de Brigitte ou encore Beyoncé, le ton est donné et l’on retrouve de véritable guerrières ou séductrices. Pier Lamandé, seul homme ne joue pas tous ou que des rôles d’hommes, il nous réservera quelques surprises. Son rôle vient rappeler que la question appartient aussi aux hommes. Il convient de connaître la position masculine. Une volonté dans la mise en scène de Louise Dudeck de faire transparaître l’universalité des propos. À la dramaturgie forte, l’humour et la légèreté viennent donner une ouverture salvatrice avec une belle mise en espace.

En contrepoint, dans une école, un jeune enfant n’accepte pas la faute d’accord qu’il a faite et tente de trouver des justifications. Sa maîtresse lui explique la genèse de la règle et De questions en questions, il finira par se demander qui, de lui ou de l’Histoire, a fait la plus grosse « faute »…
Une façon de rappeler aussi l’importance de ce qu’on apprend dès le plus jeune âge, des règles qu’on intègre et applique sans les questionner (masculin l’emporte sur le féminin…) de l’impact que cela peut avoir sur notre construction personnelle et commune dans la société.

Informations pratiques

Auteur(s)
Sarah Pèpe, texte paru aux Editions iXe

Mise en scène
Louise Dudek

Avec
Alvie Bitemo, Clémence Laboureau, Pier Lamandé, Soizic Martin et en alternance Claudia Mongumu / Léa Perret
Scénographie Heidi Folliet
Création des musiques Soizic Martin
Création & Régie Lumière Jérôme Bertin

Durée
1h30

Dates
Du mercredi 24 au samedi 27 avril

Adresse
Théâtre La Reine Blanche, Scène des arts et des sciences
2 bis, passage Ruelle
75018 Paris

Informations complémentaires

Théâtre La Reine Blanche :
www.reineblanche.com

Compagnie M42 :
compagniem42.com