Article de Sébastien Scherr
My Fair Lorie
Ned Grujic et son comparse Stéphane Laporte ont choisi de faire une adaptation de la pièce à mi-chemin entre le théâtre et la comédie musicale : du sur mesure pour l’ex chanteuse Lorie. En transposant la pièce dans l’univers hollywoodien des années cinquante, ils donnent au spectacle une atmosphère technicolor et sucrée qui fonctionne bien. Le tout est très cohérent, depuis le décor kitch aux costumes de stars du cinéma, en passant par la scénographie qui nous propose un écran en fond de scène où de petites séquences filmées viendront ponctuer la pièce.
© Lot
Pygmalion devient ainsi une bluette légère et agréable. Comme une coupe de champagne : pétillante, et grisante. Ce qui la rend plus proche d’une comédie de Guitry, que de la pièce originale. Cela fonctionne admirablement. Le spectacle est véritablement grand public et pourra séduire les adolescentes comme les vielles dames. Pourtant, bien que l’intrigue ait été scrupuleusement respectée, les puristes pourront trouver que l’univers y a perdu quelque chose en s’éloignant quelque peu du grand style british. Le Colonel Pikring n’a pas la classe d’un Alec Guiness, Mme Pierce est loin des gouvernantes et nurses anglaises, Mme Higgins, devenue star holywoodienne, n’a pas la tenue d’une lady de la haute société, et enfin le professeur Higgins tient plus du professeur de diction de « Chantons sous la pluie » que du grand linguiste émérite londonien. Il est trop entier et extérieur, quand on attendrait de Higgins plus d’ambivalence et de mystère. Ainsi, le contraste entre la petite marchande des rues ramassée dans la fange au début de l’action et cette société bourgeoise est moindre qu’avec la caste aristocratique décrite par George Bernard Shaw.
© Lot
Un acteur, cependant, parvient à garder intact dans cette production l’esprit impertinent du Pygmalion écrit par Shaw : Jean-Marie Lecoq, qui campe un Doolittle truculent et cynique à souhait. L’humour anglais perce dans chacune de ses répliques, faisant ressortir la satire sociale sans concession de l’auteur dramatique.
Lorie Pester, quant à elle, s’en sort très bien dans ce premier rôle qui parait dessiné pour elle. La cendrillon est cependant plus crédible en femme distinguée et affirmée de la fin qu’en souillon vulgaire du début : elle y manque encore de naturel dans la gouaille et la fourberie, donnant à son personnage plus de naïveté que d’espièglerie. Pas étonnant donc que sa métamorphose la mène plutôt vers un personnage lisse à la Grace Kelly qu’en femme fatale à la Ava Gardner. Beaucoup devraient s’en contenter !
Pygmalion
De George Bernard Shaw
Traduction et adaptation Stéphane Laporte
Mise en scène Ned Grujic
Avec Lorie Pester, Benjamin Egner, Sonia Vollereaux, Jean-Marie Lecoq, Philippe Colin, Claire Mirande, Emmanuel Suarez, Cécile Beaudoux
Assistante à la mise en scène Sonia Sariel
Création vidéo Guillaume Carrier et Sylvain Le Crom
Chorégraphie Philippe Bonhommeau
Décor Danièle Rozier
Costumes Virginie Houdinière
Lumières Antoine De Carvalho
Musiques Raphael Sanchez
Maquillage et coiffures Solange Beauvineau
Du 12 janvier au 27 février 2016
Théâtre 14
20, avenue Marc Sangnier
75014 Paris
www.theatre14.fr