« QUI A TUÉ MON PÈRE  »  Violence, intimité et politique  

C’est une véritable bombe théâtrale qui explose en continu depuis le 12 mars au Théâtre de La Colline. Édouard Louis et Stanislas Nordey brûlent les planches avec un théâtre infiniment politique, terriblement intime, effroyablement actuel. Qui a tué mon père poursuit le questionnement obsessionnel d’Édouard Louis sur la violence sociale et le masculinisme, avec un nouveau récit autobiographique à l’intérieur duquel Stanislas Nordey se glisse avec perfection. Qui a tué mon père est un chant révolutionnaire, vociféré avec la violence de l’amour.

Une table et deux hommes. Le fils se fait violence pour parler à son père, et celui-ci se fait violence pour l’écouter. Stanislas Nordey se tient face à une statue aux traits hyperréalistes, dissimulant son visage. Mais il devra écouter, nous devrons tous écouter. Un monologue de près de deux heures pour comprendre pourquoi le corps de son père est détruit à ce point ? Pourquoi un homme de cinquante ans se retrouve à être essoufflé après avoir marché dix mètres ? Comment la violence sociale et les hommes politiques ont fini par détruire son dos ? Comment ce système de pouvoir a réussi à détruire son système digestif ? Et comment toutes ces forces publiques ont abouti à la destruction progressive de leur histoire intime ? Edouard Louis écrit une biographie du corps de son père, un texte qui s’impose comme une révélation. On y retrouve les thématiques de ses derniers romans, un peu d’En finir avec Eddy Bellegueule, un peu de Histoire de la violence, mais avec une maturité et un recul saisissant. L’amour et la haine s’entremêlent , avec une empathie extrême, autour du corps de son père.

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© Jean-Louis Fernandez

Les statues se multiplient comme autant de fantômes parmi lesquels Stanislas Nordey va jouer et évoluer. Le comédien et metteur en scène fait preuve d’une véritable humilité face à ce texte, et se met viscéralement à son service. L’urgence de dire ces mots est à l’image de la terrible violence de laquelle ils proviennent. On est littéralement suspendu à ses lèvres, à chacune des sonorités de ces mots. Tout doit exister. Tout doit être dit. Même les noms de ses véritables assassins : Chirac, Holland, Sarkozy, Macron et toutes les violences de leurs lois. Leurs noms doivent être dit. Qui a tué mon père, par sa virulence émotionnelle, permet de reconsidérer notre actualité collective par le prisme d’une histoire particulière.

Informations pratiques

Auteur(s)
Édouard Louis

Mise en scène
Stanislas Nordey

Avec
Stanislas Nordey

Dates
Du 12 mars au 3 avril 2019

Durée
1h50

Adresse
La Colline 15 rue Malte Brun
75020 Paris

Informations et dates de tournée
La Colline