« QU’IMPORTE LE DÉPEÇAGE » du collectif Fléau social : Jouer déjouer les « fantasmagories »

Qu’importe le dépeçage du collectif Fléau social © DR

Avec à sa tête deux artistes aux multiples talents, la nouvelle création produite par Fléau social s’aligne à nouveau sur les intentions portées par le collectif : se réapproprier leur histoire, dénonçant ainsi « toutes les fonctions violentes écrites sur nous, sans nous ». Les deux interprètes transgenres inventent un nouvel imaginaire à partir de celui qui les montre du doigt.

Qu’importe le dépeçage, c’est l’histoire de George et Léo, qui passent une énième audition pour une série-télé avec un énième rôle de personnage transgenre mal écrit et bourré de clichés, celui de Fanny/Martin. L’audition est catastrophique, à la hauteur de ce que propose le scénario. Mais nos protagonistes, pris.es d’un sursaut d’imagination, saisissent une brèche dans le récit misérabiliste qu’on leur impose. Catapulté.es dans un univers où chaque fantaisie devient possible, iels inventent un monde dans lequel les personnes ne transgressent plus les normes mais inventent elles-mêmes les règles du jeu.

« Tout va bien se passer. »
Ce qui nous attrape et nous attache dès les premières secondes du spectacle, c’est l’humour dont font preuve Leo Landon-Barret et George Cizeron (artiste de la Jeune Fabrique* du Théâtre de la Croix-Rousse). Masques, caricature, comique de situation et de répétition, tous les ressorts sont bons pour assumer et surtout dénoncer l’absurdité des représentations dont souffre la communauté trans. La violence est monnaie courante ? Iels y répondent par « l’audace de la bouffonnerie », qu’iels portent avec brio dans un panache hilarant. Tout passe par le prisme de leurs regards, qui jouent, déjouent, défient, magnifient : le casting désastreux et bourré de clichés, le va et vient entre les genres, l’ultra-féminisation et l’ultra-masculinisation tirés au paroxysme du ridicule, le tout dans une mise en scène dynamique à la telenovela.

Grâce à la scénographie de Rudy Gardet, Leo Landon-Barret et George Cizeron usent de tous leurs talents et des moyens qu’iels disposent pour mettre en espace leur épopée imaginaire et loufoque. On a déjà parlé de l’utilisation des masques ; il y a aussi ce placard – métaphore courante et pourtant très significative – qui contient toujours plus de surprises ; le tissu et les costumes de Mérèndys Martine sont également utilisés pour parodier les genres, bleu pour les garçons, rose pour les filles. Puis arrive la fin, et la bouffonnerie se métamorphose à son tour ; entre chanson aussi kitch que touchante et des mots à la poésie déroutante, le spectacle et ses interprètes se mettent à nu pour faire jaillir la sincérité de la démarche et des messages qu’elle porte.

Car, on pourrait facilement penser que Qu’importe le dépeçage n’est pas un spectacle parfait. Quelques maladresses, des longueurs, l’impression de première création. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Par son humour cinglant et son espace scénique pris comme un véritable terrain de jeu, dans tous les sens du terme, Qu’importe le dépeçage transcende la caricature pour devenir une revendication qui vient des tripes. Les deux interprètes se mettent à nu autant qu’ils déshabillent les clichés, laissant peu à peu filtrer une sincérité plus que touchante. Tout dans leur création témoigne d’une nécessité presque vitale de transmettre leurs mots, leurs images, leurs identités. Pour déjouer le monde et réinventer leur mythologie.

*La Jeune Fabrique est un dispositif mis en place par le Théâtre de la Croix-Rousse pour soutenir les artistes en voie de professionnalisation. Le collectif Fléau social revient à Lyon en fin d’année avec son spectacle L’homosexualité ce douloureux problème au Théâtre des Célestins (du 28/05 au 08/06/2024).

Informations pratiques

QU’IMPORTE LE DÉPEÇAGE – Création du collectif Fléau Social

Écriture et Mise en scène
Léo Landon-Barret, George Cizeron et Mag L’évêque

Avec
Léo Lando-Barret et George Cizeron (La Jeune Fabrique)

Musique Louise BSX avec une chanson de Thx4Crying
Lumière Marie Plasse
Scénographie Rudy Gardet

Dates
Du 30 janvier au 3 février 2024 au Théâtre de la Croix-Rousse, Lyon
Du 8 au 12 octobre 2024 au Théâtre de l’Elysée, Lyon

Durée
1h30

Adresse
Théâtre de la Croix-Rousse
Place Joannès Ambre
69004 Lyon

Informations complémentaires
Théâtre de la Croix-Rousse
www.croix-rousse.com


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