Un article d’Ondine Bérenger
Ré-enchanter le monde
Dans cette nouvelle création, Pascal Rambert nous donne à voir l’implosion d’une troupe de théâtre lors d’une répétition de son nouveau spectacle. Sous l’effet d’un simple regard échangé, la parole se délie et l’atmosphère, hors du temps, est portée à ce point de tension extrême qui précède la rupture.
Alors, les quatre monologues du prestigieux quatuor (composé d’Audrey Bonnet, Emmanuelle Béart, Denis Podalydès et Stanislas Nordey) s’enchaînent pour raconter l’histoire d’une désillusion, : un échec à changer la vie, à faire de l’art.
© Marc Domage
C’est dans un décor hyperréaliste de gymnase que se déroule cette chute d’un monde. Au sol, le revêtement orangé du terrain de basket est encore roulé aux extrêmités, espace paradoxal qu’un plateau de théâtre ne peut contenir tout à fait. Au plafond, un éclairage blafard de néons se déplace, dessinant l’espace par ses jeux d’ombres tandis que deux toiles blanches tendues sur les côtés se teintent parfois d’une couleur de sang.
Ici, la place d’honneur est accordée aux mots. En effet, les quatre comédiens d’exception, enfermés dans une gestuelle chorégraphique, font résonner chaque phrase avec une force et une précision impressionnantes : malgré un rythme parfois extrêmement rapide, les images se dessinent d’elles-même avec une limpidité qui fait de la parole une entité presque palpable. Il faut dire que le texte est saisissant ; entre fiction et réalité, passé et présent, faits et pensées, tout s’entremêle pour dire le démantèlement des idéaux face à la réalité, pour provoquer un sursaut de conscience ; exhorter, enfin, à construire autre chose, autrement, à essayer, encore… « Réveillez-vous, jeunes gens ! » lancera Stanislas Nordey à l’auditoire comme un messager tragique, avant que la gymnaste Claire Zeller, dans une demi-pénombre, ne vienne finalement ré-enchanter ces ruines par la danse.
Toutefois, si ce n’était pour le plaisir d’entendre un si beau texte déclamé par de grands noms du théâtre, on pourrait dire que la représentation n’apporte pas grand chose au propos. En effet, la scénographie, bien que plaisante, tient davantage du gadget que d’un réel élément d’appréhension de l’oeuvre. Ainsi, c’est un travail remarquable de justesse et de netteté qui nous est proposé, mais malgré l’intérêt qu’il présente, il échoue à se rendre indispensable vis-à-vis du texte seul.
© Marc Domage
Répétition
texte et mise en scène Pascal Rambert
avec Audrey Bonnet, Emmanuelle Béart, Denis Podalydès, Stanislas Nordey et Claire Zeller.
Scénographie Daniel Jeanneteau
Lumière Yves Godin
Musique Alexandre Meyer
Costumes Raoul Fernandez et Pascal Rambert
Assistant à la mise en scène Thomas Bouvet
du 19 au 22 décembre
au Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers
http://www.theatre2gennevilliers.com