Sixième spectacle de cette huitième éditions des Chantiers d’Europe, la compagnie IlMaquinario, composé d’acteurs de l’École supérieure d’Arts Dramatiques de Galice, présente avec Resaca (gueule de bois) une représentation directe de la réalité des comédiens au plateau.
S’inspirant dans leurs textes de faits réels de leur histoire personnelle, de la difficulté ou des étapes de création du spectacle lui-même, ou de l’Histoire même, IlMaquinario parvient à livrer intelligemment, bien que s’arrêtant un peu en surface, l’état d’esprit générationnel dans lequel ils évoluent.
La déclaration calme et enthousiaste d’une génération encore un peu perdue. On sent dans les contes de la vie d’Alex, l’amie perdue du groupe présent au plateau, un ressac de révolution avortée et de constat de la société déçu. Les cinq comédiens explorent en effet leur réalité immédiate dans ce qu’ils nous racontent. Cela se traduit non seulement par les textes qu’ils nous livrent, mais aussi par la rapidité de leur débit de parole, synonyme de la vitesse d’évolution du monde d’aujourd’hui à laquelle ils se sentent contraints de s’adapter, l’utilisation de technologies actuelles au plateau qui nous plonge rapidement et facilement dans l’intimité cybernétique commune à tellement d’individus de cette époque, et enfin par un jeu assez réaliste, voire naturaliste, dans une adresse publique simple et directe la plupart du temps.
Par ailleurs, la reconstitution du souvenir de leur défunte amie les emmènent dans la mémoire de l’Histoire de leur pays. Cette troisième génération libérée du franquisme le regarde au travers du prisme des souvenirs qu’ils ont de leur proches, parents ou grand-parents, et de leur positionnement par rapport au dictateur. C’est ainsi qu’en se souvenant de son oncle qui découpait les yeux des images de Manuel Fraga Iribarne (ministre sous Franco, puis président de Galice), l’une des comédiennes développera un sentiment de révolte par rapport à ces idéologies, tout en étant déçue de l’abandon dudit oncle devant des personnalités considérées comme importantes. Resaca traduit donc un sentiment partagé de la jeunesse (principalement espagnole, mais observable ailleurs en Europe), entre volonté de révolte et de libération, à l’instar de la génération précédente, et d’opposition à celle-ci, qui aurait abandonné ses idées et convictions au fil du temps. Un certain ras-le-bol du « Moi aussi, quand j’avais ton âge… ».
En outre, tout cela est transmis sans violence, dans la douceur et la nostalgie du vivant d’Alex, ponctuées d’images d’amitié et de liens humains. Une musique live accompagne les acteurs, tantôt jazzy, tantôt plus douce, et permet une immersion fluidifiée dans leur monde.
Malgré une recherche scénique et textuelle qui aurait gagnée à être approfondie, Resaca livre dans une ambiance poétique, musicale et joviale, l’égarement de leur génération. Un réveil difficile face l’Histoire, provoqué en toute bienveillance.
Informations pratiques
Auteur(s)
Cie IlMaquinario
Mise en scène
Tito Asorey
Avec
Melania Cruz, Fernando González, Fran Lareu, Laura Míguez, Vadim Yukhnevich
Dates
Le 11 mai 2017
Durée
1h10
Adresse
Théâtre des Abbesses
31, rue des Abbesses
75018 Paris
http://www.theatredelaville-paris.com