Rondeurs, mise en scène Valentine Allen © Alix Oliveau
« L’irruption de l’autre, je la supportais pas » nous dit Madeleine qui rencontre Flo. Ils s’aiment. Elle tombe enceinte et perd le fœtus avec l’ambivalence de l’accident ou de la décision. Au même moment, Flo prend conscience de son désir puissant de donner vie, avec encore une frontière floue autour du rêve et de la folie. La metteuse en scène nous livre les éléments d’un milieu psychiatrique qu’elle connaît bien. Création plutôt que procréation pour Madeleine, un problème de place dans la société qui prédéfinit des rôles : la femme porte et donne la vie, l’homme pas. Cette certitude est remise en question dans le pas de côté des personnages dont la transformation joue l’inversion des rôles « normalement » attribués. Madeleine partage avec les autres personnages ce pas de côté des cases dans lesquelles la société enferme.
Onirique et burlesque, la pièce offre une sincérité des personnages poussée à l’extrême car leur sensibilité exacerbée les décale dans le trouble provoqué et les éloigne de ce qu’il est convenu d’appeler normal, c’est-à-dire casé. Le fond et la forme se rejoignent car la pièce-puzzle se déroule en dehors d’une chronologie linéaire avec un seul récit du début à la fin. Tout se superpose avec l’interrogation essentielle de la véracité de ce qui est vécu.
Première pièce de Valentine Allen avec qui l’échange à la fin de la représentation a porté sur la fabrique. Comme Joël Pommerat entre autres, elle laisse une part aux improvisations des comédiens. Par exemple, dans la scène du bar, le comédien a été plus loquace que précédemment. Le retour des comédiens entraîne parfois une réécriture des scènes. La metteuse en scène est très ouverte aux échanges et aux retours. Elle a également adopté cette démarche avec les patients et les soignants de l’établissement psychiatrique dans lequel elle est intervenue. Les comédiens jouent avec une grande générosité dans une pièce pas toujours facile au niveau du texte très référencé, contrebalancé par les scènes d’improvisations.
Le théâtre de Valentine Allen est effectivement très documenté. Depuis trois ans, l’autrice intervient dans un établissement pour jeunes « neuroatypiques ». Cette expérience nourrit la remise en question des certitudes dans la pièce Rondeurs où le cadre posé est explosé. Le lien entre réalité et fiction est aussi alimenté par de nombreuses lectures : Foucault, Jung, Fanon, Derrida, Deleuze, …
Cette pièce comporte beaucoup de changements de plateau avec le rôle du silence qui laisse au spectateur le temps d’assimiler. Les répliques se détachent sans frénésie. Avant la pièce, le temps que les spectateurs s’installent, un acteur assis sur une chaise, cigarette à la main, nous interpelle de son regard et de sa posture. Une part d’étrangeté en émane, nous emportant déjà côté scène.
Rondeurs, mise en scène Valentine Allen © Alix Oliveau
Informations pratiques
RONDEURS – Compagnie CalamArt
Auteur(s)
Valentine Allen
Mise en scène
Valentine Allen
Avec
Rayan Haddad, Gabriel Le Roux, Alix Oliveau, Aurélien Piffaretti,
Bérengère Seven, Lucile Garcia (doublure : Valentine Allen)
Musique originale Louise Charbonnel, Lisa Davidse
Création Lumière Marie N’De
Dates
Du 7 février au 11 mars 2023 le mardi à 20h30 et le samedi à 18h30 à la Comédie Nation, Paris
Durée
1h20
Adresse
Comédie Nation
77, rue Montreuil
75011 Paris
Informations complémentaires
Comédie Nation
www.comedienation.fr