« RUY BLAS », La compagnie du Berger s’illustre dans une mise en scène décalée d’un grand classique du théâtre

Ruy Blas de la Compagnie du Berger © Ludo Leleu

Sur scène et dans la salle, Olivier Mellor, le metteur en scène, plonge acteurs comme spectateurs dans une mystérieuse obscurité. Les éclairages très faibles, qui procurent à l’ambiance générale quelque chose de très énigmatique, semblent déjà annoncer la tragédie écrite par Victor Hugo, pour ceux dont le souvenir de cette œuvre est encore présent.

Pourtant, alors que les rideaux sont à peine tombés (littéralement ici), le ton emprunté, plutôt très comique, contraste immédiatement avec l’atmosphère. Après une délicieuse introduction musicale, menée par un quatuor composé d’un contrebassiste, d’un violoncelliste, d’un saxophoniste et d’un accordéoniste, les festivités sont ouvertes.

Entre amour et amitié, pouvoir et vengeance, argent et fatalité, les comédiens de la compagnie du Berger, créée il y a 30 ans maintenant, rappellent avec conviction ô combien Ruy Blas est une pièce à la fois grave et légère, dont la terrible intrigue, qui se déroule au cœur de la cour d’Espagne de la fin du XVIIème, ne cesse de résonner encore aujourd’hui : peut-on échapper à sa condition ?

Non seulement le travail scénographique d’Olivier Mellor permet de reconstituer superbement les châteaux de cette époque monarchique, à travers des éléments de décors symboliques (fauteuils, toile imprimée pour faire apparaître une cheminée, les murs de pierre de la salle de représentation du Théâtre de l’Épée de bois, etc.), mais il permet également de mettre en lumière les enjeux politique et poétique de l’histoire. Les spectateurs peuvent en saisir pleinement le sens et se laisser porter par le drame, inévitable, qui se déroule sous leurs yeux.

Le tout en musique, puisque le quatuor réapparaît à plusieurs reprises afin d’accompagner les trames du texte en vers parfaitement interprétés. La dimension musicale a ici une fonction essentielle, qui n’est pas uniquement de fluidifier les transitions de scènes, lors desquelles se produisent des changements de décors à vue du public, mais de traduire aussi l’émotion des personnages alors peu à peu déchirés. L’amour impossible entre la Reine (Caroline Corme) et Ruy Blas (Emmanuel Bordier), laquais de Don Salluste (Stephen Szekely), est sans doute le plus injuste.

Dans une esthétique relativement réaliste, certains des protagonistes, plus déjantés que d’autres – l’on pense à la comédienne Marie Laure Desbordes, hilarante dans le rôle de la duchesse puis de la duègne – participent toutefois à la mise en scène quelque peu décalée de cette pièce du répertoire français. Les costumes, entre traditionalisme (tenues dans de beaux tissus, riches en ornements, rappelant la royauté) et kitsch (petites chaussures pointues avec de gros rubans roses de Don Guritan (François Decayeux), veste à paillettes, maquillage outrancier) voire modernisme (la Reine ira jusqu’à revêtir un pantalon), renforcent eux aussi cette impression de décalage qui ne manque pas de déclencher les rires dans la salle.

Ruy Blas, un spectacle plaisant pour tous les amateurs de tragédie décalée et musicale !

Visuel 1 © Ludo Leleu
Visuel 5 © Ludo Leleu
Visuel 2 © Ludo Leleu
Visuel 4 © Ludo Leleu

Ruy Blas de la Compagnie du Berger © Ludo Leleu

Informations pratiques

RUY BLAS – Compagnie du Berger


Auteur(s)
Victor Hugo


Mise en scène
Olivier Mellor


Avec
Marie Laure Boggio, Emmanuel Bordier, Christophe Camier, Caroline Corme,François Decayeux,
Marie-Laure Desbordes, Fred Egginton, Séverin Toskano Jeanniard, Olivier Mellor,
Adrien Noble, Louis Noble, Rémi Pous, Stephen Szekely


Musique originale Séverin Toskano Jeanniard
Musiciens Christophe Camier (accordéon), Séverin Toskano Jeanniard (contrebasse),
Adrien Noble (violoncelle), Louis Noble (sax ténor)
Son Séverin Toskano Jeanniard
Lumière Olivier Mellor
Scénographie François Decayeux, Séverin Toskano Jeanniard, Olivier Mellor
avec le concours de la Courte Échelle
Costumes Bertrand Sachy assisté de Gunjidmaa Loucheut avec le concours
des élèves de BTS Métiers de la Mode – Vêtements / Lycée Édouard Branly, Amiens,
et de leurs professeures Cécile Estienne et Véronique François
Maquillages Karine Prodon
Vidéo ickaël Titrent
Régie générale Marie Laure Boggio, Jonathan Brychcy
Régie son / vidéo Ben Moritz
Régie plateau François Decayeux, Tortion
Panneaux noirs Jean-Louis Liget
Documentaire Adam Wacyk


Dates
Du 16 novembre au 3 décembre 2023
Jeudi, vendredi et samedi à 21h, dimanche à 16h30

Durée
3h10

Adresse
Théâtre de l’Épée de Bois
Route du Champ de Manœuvre
75012 Paris

Informations complémentaires
Théâtre de l’Épée de Bois
www.epeedebois.com

Compagnie du Berger
www.compagnieduberger.fr