« SAISON 1 »  D’une plateforme à l’autre, de la série télévisuelle aux planches, de quoi étancher notre soif de fictionnalisation 

À l’ère du streaming et de Netflix, Florence Minder – auteure, metteuse en scène et comédienne – confronte, dans sa pièce Saison 1 sous-titrée épisodes 01/02/03, la structure sérielle à l’écriture théâtrale. En filigrane d’une prise d’otages de vacanciers par des guérilleros dans la jungle d’Amérique du Sud, se profile une véritable remise en question de clichés sur une universalisation de la culture ou sur les tendances politiques, désamorcés avec ironie. D’emblée, le quatrième mur est fracassé : les interactions ponctuelles avec le public viennent rompre avec l’illusion théâtrale et le plateau prend les allures d’un show télévisé où le public participe à la réécriture du scénario. Le spectateur bascule ensuite dans l’univers hallucinatoire de l’héroïne et dernière survivante, où la forêt luxuriante se meut en hôtel miteux. Non sans rappeler Le Vol d’Icare de Raymond Queneau, un personnage indépendant à la fiction fait finalement son entrée, la protagoniste principale se désolidarise de la trame mère et tire les ficelles du storytelling, jusqu’à décider de son propre sort.

Malgré quelques longueurs dans la première partie où Florence Minder, plantée face à son ordinateur, lit le script d’un ton monocorde, son énergie pétulante ne manque pas de séduire le spectateur. Cette dernière, oscillant entre distanciation et incarnation, troque sa veste à paillettes pour un treillis ensanglanté, sa posture hiératique de présentatrice télé pour des déhanchements lascifs et déploie sous nos oreilles ébahies sa palette d’accents germaniques. Si l’humour n’est toutefois pas très recherché lors du prologue, il s’affine au fur et à mesure de la progression du spectacle. Sophie Sénécaut, est en effet hilarante, tant dans ses expressions figées que dans ses gesticulations intempestives et ses imitations délurées. De son côté, l’expressivité de Pascal Merighi, danseur issu du Tanztheater Wuppertal Pina Bausch, apporte une corporalité aux mots et nimbe le spectacle d’un halo poétique. Le processus de fabrication est parodié avec inventivité : un « ICI » scotché au sol détermine la position des comédiens, des applaudissements enregistrés les acclament en fin d’épisode et un compte à rebours des répliques menace de réduire les personnages au silence. Les codes des séries télévisées sont détournés avec à travers un dialogue avec la voix-off, des recap à rallonge ou encore des pages de publicité titillant ainsi notre besoin irrépressible de fiction.

Une pièce qu’on a déjà envie de revoir, on résiste difficilement à la tentation de revenir au début de l’épisode : effet d’addiction sur le spectateur garanti.

 

Informations pratiques

Conception et écriture
Florence Minder
Assisté de Julien Jaillot

Avec
Sophie Sénécaut, Pascal Merighi et Florence Minder

Dates
Du 19 au 21 décembre 2017

Durée
1h50

Adresse
Cent-Quatre
5 rue Curial
75019 Paris

Informations et dates de tournée
http://www.104.fr