« Si seulement j’avais une mobylette, j’aurais pu partir loin de tout ce merdier… », mise en scène Franck Vercruyssen au Théâtre de l’Aquarium, Festival des écoles du théâtre public du 15 juin au 3 juillet 2016

Article de Paula Gomes

Poésie et volupté de l’Orient à l’Occident : un voyage initiatique

À l’extérieur des cliquetis, une camionnette blanche, chargée jusqu’au toit, poussée par des jeunes finissant par s’arrêter. Échanges de regards, ils déchargent valise, glacière, tambour, mobylette, stéréo dans des caddies en quête d’un lieu de repli. Des éclaireurs, des musiciens, des rêveurs, un homme amoureux et au passage une pastèque est sacrifiée. Le public suit interloqué et amusé ce fol équipage et pénètre dans l’antre du théâtre. Il s’installe pendant que les seize comédiens s’habillent ou prennent place derrière la longue table placée en diagonale sur scène.

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© Grégory Batardon

L’un d’eux interpelle l’assistance: « Est-ce qu’on peut tout recommencer depuis le début ? ». Un florilège d’histoires, de contes portés par des individus avec leur sensibilité vont se confronter, se faire écho ou jaillir sous d’autres formes. Une invitation au voyage, plongé dans la forêt amazonienne, en safari, à travers l’Histoire ou encore Les mille et une nuits narrées en fil rouge par Cécile et Arnaud, un duo désaccordé qui à mesure laisse place à ses ardeurs et pimente le récit. La fête bat son plein, les femmes en robes pailletées et la lumière tamisée. Des causeries féminines, aux avances des hommes, tout ce petit monde entre finalement dans la danse « orientale », chants, étreintes torrides et soirée bien arrosée. Pour les lendemains qui chantent, reste la mobylette sur laquelle ils s’affairent… encore un nouveau départ ? Clowneries, confrontations, humour noir, poésie, mysticisme, beaucoup de fantaisie et de rebondissements dans ce spectacle original et jouissif.

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© Grégory Batardon

Frank Vercruyssen présente une mise en scène intéressante par sa forme, sa richesse textuelle et le travail collectif des comédiens de la promotion H du Bachelor Théâtre (La Manufacture de Lausanne) autour de deux univers : la littérature arabe avec sa poésie et l’humour noir des films du suédois Roy Andersson. De ce choc des cultures va surgir une résonance et des points de partage. L’acteur, au cœur du processus de création, détermine et assemble les textes au plateau et son interprétation profonde ou détachée donne éclat et relief à la composition. Même si les histoires sont indépendantes, de nombreuses interactions sont provoquées lors de la narration, autour de la table, en duo ou en solo, l’ensemble se tient admirablement. Dans cette pièce, l’écoute est primordiale à tous les niveaux. Le spectateur est totalement impliqué dès le départ, investi dans une aventure qui prend forme sous ses yeux et semble dépasser ses protagonistes. Il reste captivé par les événements, les effets comiques ou de surprise et l’interpellation des comédiens. L’Orient est très présent dans les œuvres choisies (classique ou contemporaine), les tenues féminines, la danse, le lait et les dattes symbole de fête. De l’audace, des esprits inventifs et des scènes de toute beauté. Ajouté à cela de belles voix, de jeunes talents débordant d’énergie qui apportent une profondeur et une fraîcheur dans leur jeu. Bienheureux celui qui a assisté à cette soirée féerique.

 

 

 

« Si seulement j’avais une mobylette, j’aurais pu partir loin de tout ce merdier… »

Mise en scène Frank Vercruyssen

Assistanat à la mise en scène Jean-Daniel Piguet

Lumière, son, régie Nicolas Berseth, Céline Ribeiro

Costumes Augustin Rolland assisté de Leutrim Dacaj

Avec la promotion H du Bachelor Théâtre :

Marion Chabloz, Danae Dario, Romain Daroles, Maxime Gorbatchevsky, Cécile Goussard, Arnaud Huguenin, Loïc Le Manac’h, Chloë Lombard, Adrien Mani, Mélina Martin, Clémence Mermet, Matteo Prandi, Marie Ripoll, David Salazar, Margot Van Hove, Lisa Veyrier

Textes de Roy Andersson (Chansons du deuxième étage, Nous, les vivants, Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence), Marjane Satrapi (Broderies), Kamel Daoud (La préface du Nègre), Alaa et Aswany (J’aurais voulu être égyptien), Yasmina Kadra (L’attentat), Yasmine Char (La main de Dieu), Adonis (Chants de Milhyar le Damadcène ; Prends-moi, chaos, dans tes bras), Alain-Julien Rudefoucauld (Le Dernier contingent), Mohamed Kacimi (La confession d’Abraham), Victor Hugo (Ruy Blas), Kateb Yacine (Nedjma), Les mille et une nuits, Nasr Eddin Hodja (Sublimes paroles et idioties), Le guide Michelin Syrie – Jordanie, Mazen Kerbaj Beyrouth (Un an – Journal d’une année comme les autres ; Lettre à ma mère), Eduardo Galeano (La creación), Ibn Mângli (Chasse), Tahar Ben Jelloun (Mes contes de Perrault ; Le dernier ami), Gabriel Calderón (J’ai fait un rêve), Marmoud Darwich (Heureux sans savoir pourquoi)

 

Du 30 juin au 3 juillet 2016

Jeudi et vendredi 20 h, samedi 20 h 30, dimanche 15 h

 

Théâtre de l’Aquarium

La Cartoucherie

Route du Champ-de-Manoeuvre

75012 Paris

http://www.theatredelaquarium.com/