Article de Pierre-Alexandre Culo
Singspiele ou la rencontre fantasmée de Maguy Marin et du Funambule de Jean Genet.
Funambule en constante métamorphose, David Mambouch virevolte d’identité en identité dans cette surprenante chorégraphie kaléidoscopique de Maguy Marin. Coup de force, la chorégraphe crée une figure qui subjugue autant qu’elle répulse, mélange coup à coup d’horreur et de fantasme, qui ne laisse en aucun cas indifférent.
© S.Rouaud
Maguy Marin tire le fil de cette création d’un art opératique allemand du XVIIIe siècle dont l’art de la transformation représente cette forme légère et populaire. Et c’est bien plus loin que Maguy Marin transporte et déforme cette source d’inspiration. David Mambouch déambule dans une simplicité et une gestuelle dense et précise à travers laquelle il va arracher une à une des photographies de visage maintenues sur son crâne. Chaque image est un événement qui défait et recompose sa corporalité dans l’instant, passant de personnalités populaires ou historiques, de présences féminines en statures masculines, de l’âge adulte au retour soudain à l’enfance la plus innocente.
Avec la scénographie de Benjamin Lebreton, la rencontre des trois artistes crée un véritable écrin à visions. Une communication vive entre le corps vivant et la matérialité du visage s’opère et de cette rencontre la scénographie épurée de Benjamin Lebreton se dévoile comme une surface de projections propices aux rêveries. Elles se tissent autour du corps en mouvement le temps de l’existence de ce visage destiné à disparaître, mourir, abandonné sur le sol, pour en dévoiler inéluctablement un nouveau.
© S.Rouaud
Une solitude fascinante, solaire, émane de ce corps aux multiples visages. Une solitude qui foudroie d’écho avec ce Funambule de Genet: « Cette danse qui n’est que la tentative de ton corps pour s’identifier à ton image, comme le spectateur l’éprouve. Tu n’es plus seulement perfection mécanique et harmonieuse: de toi une chaleur se dégage et nous chauffe. Ton ventre brûle. Toutefois ne danse pas pour nous mais pour toi. Ce n’était pas une putain que nous venions voir au Cirque, mais un amant solitaire à la poursuite de son image qui se sauve et s’évanouit sur un fil de fer. Et toujours dans l’infernale contrée. C’est donc cette solitude qui va nous fasciner. »
Pour expérimenter de façon sensible cette solitude exquise, cette création de Maguy Marin en est une merveilleuse possibilité.
Singspiele
Conception Maguy Marin
Avec David Mambouch
Scénographie Benjamin Lebreton
Lumière Alex Bénéteaud
Création sonore David Mambouch
Son Antoine Garry
Le 20 et 21 janvier 2016
Centre Pompidou
Paris
www.centrepompidou.fr