"SMARRIMENTO", Confuse, égarée, perdue… et pourtant très présente

Smarrimento, mise en scène Lucia Calamaro © DR

SMARRIMENTO, pièce en italien surtitré, présentée au théâtre du Balcon à Avignon, met en scène une écrivaine dépassée et surtout une actrice GÉNIALE.

Elle est déjà en scène quand on entre dans la salle. Fébrile, elle compulse des pages tapées, manuscrites, raturées, s’allonge sur son mini canapé, se redresse, allume une cigarette… elle n’a pas besoin de parler, son corps le fait pour elle. Cela dure un moment, et puis elle s’adresse au public, elle ironise sur cette chambre d’hôtel « design » et forcément étrange : un canapé mal foutu, un bureau immense, une bibliothèque petite. Ce triangle, comme ceux qu’on recommande parfois dans les œuvres picturales, n’a évidemment aucun sens et le sens, c’est justement cela qu’on va chercher pendant toute cette pièce.

Pourquoi manger une poire dure comme du bois ? boire une eau de qualité médiocre ? goûter d’un BN comme un écolier après l’école?
Pourquoi tous les penseurs – Deleuze, Lévi-Strauss, Alain Badiou – ne sont-ils d’aucun secours ?
Pourquoi ne plus être capable d’écrire des romans, alors que c’était si facile autrefois ? Qu’est-ce qui fait qu’on n’a plus que des commencements, alors que votre éditeur vous presse « reprends-toi, tu ne vends plus… »

Pourtant, ce n’est pas l’énergie qui lui manque. Elle parle, elle parle… vite et finement. Mais dès qu’elle veut mettre tout ça noir sur blanc, tout s’envole. Ce qui lui paraissait urgent, primordial, lui apparaît inconsistant. En un mot, elle déprime ; mais attention, elle n’est pas disposée à se laisser aller !

Parce qu’enfin, elle a des personnages ! Anna, par exemple, le palindrome. Anna, elle peut la décrire dans tous les sens : de gauche à droite et de droite à gauche. Anna cherche, côté papa : Ah, les pères, on en revient toujours au père, à sa grande main qui vous promenait au parc, à sa grosse voix qui vous grondait, à son absence… Anna cherche aussi côté maman : Ah, les mères ! on en revient toujours à la mère, pas vrai ? et inutile d’insister sur le conjoint, volage irresponsable, toujours absent et dont Anna pourrait bien se venger en partant en le laissant se débrouiller avec les courses, les lessives, l’ado caché derrière sa mèche et la petite toujours en quête de câlins… ça en fait des personnages, des situations, des débuts de romans… Le début, n’est-ce pas, c’est l’essentiel… à condition qu’on continue, bien sûr !

La comédienne -Lucia Mascino – porte seule ce déluge verbal avec une maîtrise admirable et une grande agilité. On savoure, on exulte et on regrette de n’être pas italophone pour mieux la suivre dans sa gestuelle énergique et déjantée.

Une magnifique réussite !

Smarrimento, mise en scène Lucia Calamaro © DR

Informations pratiques

SMARRIMENTO Pièce en italien surtitré présentée
dans le cadre de la semaine italienne à Avignon « La Bella Italia »

Auteur(s)
Lucia Calamaro

Mise en scène
Lucia Calamaro

Avec
Lucia Mascino

Décor et lumières Lucio Diana
Costumes Stefania Cempini
Régie Mauro Marasà
Traduction du texte en français & sur titrage Federica Martucci
Technicien de la Compagnie Jacopo Pace
Directeur de la production Marta Morico