« Songes et métamorphoses »

Les grotesques et sublimes Métamorphoses de Guillaume Vincent.

 

Guillaume Vincent mène le public de l’Odéon dans les dédales d’une forêt renversante où derrière chaque arbre – pailleté ou menaçant – se cachent les formes hybrides et fascinantes du Théâtre. Du Songe d’une nuit d’été aux Métamorphoses d’Ovide, de ces ramures entremêlées palpitent la sève et le désir pour ce monstre théâtral aux mille visages. Avec son excellente équipe de comédiens, le metteur en scène tisse une pièce fulgurante où la perception du temps et de l’espace s’effrite, nous perdant avec délice dans la féérie et la violence de ces Songes et Métamorphoses. 

© Elizabeth Carecchio

Afin de prévenir des hallucinations et tours de passe-passe à venir, Guillaume Vincent écrit un immense prologue à la mode shakespearienne: Les Métamorphose. S’inspirant des Métamorphoses d’Ovide, cette première partie se déplace avec fougue et sans retenue du spectacle musical au théâtre scolaire, de la performance au fait divers, du milieu carcéral au théâtre d’improvisation, du mythe au contemporain, de l’effroi au burlesque, du plaisir au désir, de la magie à la jubilation de rêver ensemble. Ainsi, tel Argus et ses cent yeux, Songes et Métamorphoses se pare de multiples personnalités, d’un ramage schizophrène et imprévisible.

De la fleur blanche de Narcisse éclot un spectacle scolaire joué par des enfants dans un décor en carton-pâte. Les mythes décrits par Ovide se déploient dans le quotidien de ces écoliers, lycéens, hommes et femmes qui voient dans le théâtre cet espace de liberté, le plaisir de se transformer sans limite. Le mythe de Procné se détache avec grâce et horreur de l’ensemble. Comme en écho à Rendez-vous gare de l’Est, Emilie Incerti-Formentini débute le monologue d’une femme de ménage victime de violence conjugale. De cet entretien en robe élisabéthaine, le drame personnel se transforme en fait divers dans le Nord de la France. Un tabloïd sensationnel signé Ovide: Une sœur séquestrée et violée. Un mari violent. La femme tue ses propres enfants et les lui fait manger en soupe. Avec une finesse abrupte, Guillaume Vincent condense dans ce tableau l’essence de ses précédents spectacles, de L’Eveil du printemps à Rendez-vous gare de l’Est.

© Elizabeth Carecchio

Cette fureur et incandescence du désir se poursuit dans le texte de Shakespeare, qui, en deuxième partie, se déploie dans une mise en scène contemporaine plus convenue mais non moins réussie. L’hybridation continue dans cette course où les branches de la forêt, comme une pieuvre, enserrent et déploient les émois adolescents. Derrière la féérie, les comédiens s’emparent de ces passions violentes où les menaces de viol côtoient les dominations patriarcales. Les scènes des artisans et la représentation devant le duc conservent l’irrévérence de la première partie, apportant un véritable souffle à l’ensemble. Explosions vives, insoupçonnables, ces parenthèses s’amusent de la jouissance du théâtre et nous embarquent sans demi-mesure dans un univers où grotesque et sublime s’allient avec perfection.


Songes et métamorphoses

une création de Guillaume Vincent
d’après Ovide et Shakespeare

 

avec

Elsa Agnès, Paul-Marie Barbier, Candice Bouchet, Lucie Ben Bâta, Emilie Incerti Formentini, Elsa Guedj, Florence Janas, Hector Manuel, Estelle Meyer, Alexandre Michel, Philippe Orivel, Makita Samba, Kyoko Takenaka, Charles Van de Vyver, Gérard Watkins, Charles-Henri Wolff

dramaturgie Marion Stoufflet

scénographie François Gauthier-Lafaye

lumières Niko Joubert

composition musicale Olivier Pasquet et Philippe Orivel

son Géraldine Foucault,

costumes Lucie Durand

 

Du 21 avril au 20 mai 2017

 

Durée : 4 heures avec entracte

 

Théâtre de l’Odéon
Ateliers Berthier 
1 rue André Suarès
75017 Paris

 

http://www.theatre-odeon.eu