« SUR LA POINTE DES PIEDS », Connaissez-vous l’alphabet ? La réponse de Suzanne Lebeau aux Éditions Théâtrales Jeunesse

Voilà une pièce toute simple, du moins en apparence, accessible à tous les enfants dès qu’ils se mettent à avoir envie de lire.
Deux personnages, dont un double, ce qui fait trois…. Ah, déjà, ça se complique ? Reprenons tranquillement :
-une voix (c’est le premier personnage) présente, commente, poétise la démarche et les découvertes de
-Lucie, qu’on imagine comme une jeune adulte, une maman ou une maîtresse d’école, mais aussi, surtout, à une autrice d’albums pour enfants. Lucie s’entretient avec
-Lulu, petite fille qui aime sucer son pouce, bien qu’elle soit en âge de s’intéresser à l’alphabet, au-delà de sa récitation par cœur. Lucie, Lulu, deux facettes, deux âges de la même personne, bien sûr.

Pour fabriquer un abécédaire, il faut trouver les objets emblématiques dont le nom commence par la lettre en question, afin d’aider le petit à retenir la forme qui représente ce son. Inutile de détailler, nous avons tous utilisé ce genre d’objet pour éveiller l’attention des jeunes enfants à la lecture. Alors, pourquoi diable en faire une pièce de théâtre ? Qu’est-ce que cet art peut bien avoir à dire d’une pratique si courante ? Eh bien, c’est là tout l’art du poète, en l’occurrence, de Suzanne Lebeau, grande virtuose du genre.

« Soyez claire et précise », a dit l’éditeur à Lucie. Pas de problème. L’alphabet ne compte que vingt-six lettres, dont l’ordre est immuable et connu de tous, et les objets sont bien assez nombreux pour offrir l’illustration nécessaire… On pressent qu’il n’en sera pas forcément ainsi. Regarder cette chose « évidente » avec l’œil du poète, c’est justement souligner les étrangetés, les arbitraires, les incohérences parfois, de la langue écrite.
Je ne cherchais pas le vert de la pomme
Sur le bureau de la maîtresse
Je faisais des pommes bleues
Parce que ma rêverie les voyait bleues…

dès les premières pages de Sur la pointe des pieds, nous voilà dans le bain, le bain des mots !

La langue écrite est pleine de pièges, de sons qui ne s’écrivent pas comme on les entend. Le F de photo, par exemple, mais aussi le A « oie » (il est où, le A ?) et ne parlons pas du E est aussi É, È, Ê … ou du G qui n’est pas le même pour les Gens que pour le Gaz… la pédagogue ici, s’en donne à cœur-joie ! et nous jubilons !

Et pour couronner le tout, un autre personnage, qui ne figure pas sur la liste de départ, vient conforter les errances poétiques : la Rêverie s’invite et commente à sa manière ce joyeux délire sur la complexité qui pourtant devient « claire et précise »

Ce court texte est un pur régal !

Informations pratiques

Auteur(s)
Suzanne Lebeau

Prix
8 euros

Éditions Théâtrales
www.editionstheatrales.fr